Que nos ancêtres soient loués: les descendants de De Brazza veulent les restes de leur aïeul!

J‘aime bien m’adresser à mes ancêtres, peu importe ce que j’ai à leur dire. Pour leur offrir quelques gouttes d’un breuvage que je m’apprête à ingurgiter ou pour leur dire merci simplement. Si les adeptes du culte marial s’adressent sans cesse à Marie, ce n’est pas pour rien. Les morts ne sont pas morts, nous dit le regretté Birago Diop.

 

Le mausolée de la honte

Je suis sûr que nos ancêtres ont dû se sentir très insultés quand ils ont appris il y a quelques années que les autorités congolaises allaient ériger un mémorial en mémoire d’un certain Pierre Savorgnan de Brazza. Sur le sol de nos ancêtres. Si ce n’est pas injure, j’aimerais bien qu’on m’explique. En résumé, des Africains, nés en Afrique, qui y ont grandi, qui savent à peu près ce qu’est la colonisation, qui ont vu leurs parents vivre comme des esclaves décident d’honorer un colon.

Des Africains, qui disent sans cesse qu’il faut respecter les aînés, qu’il faut honorer les ancêtres, qui vont fleurir les tombes des leurs le 01/11 de chaque année, « cérémonies » filmées par la TV nationale, please!, ces gens donc n’ont jamais érigé le moindre musée, mausolée, muséum ni mémorial en mémoire de leurs devanciers, décident d’en bâtir un à la gloire de cet homme par qui une bonne partie de nos malheurs est arrivée. 10.000.000.000 de francs coloniaux avaient été mis dans ce projet et donc 0 pour nos ancêtres.

Depuis des années, les autorités congolaises ont fait, sans la moindre gêne ni honte, de ce mausolée, l’endroit « phare » du tourisme au Congo: on comprend un peu mieux pourquoi il y a un ministère du Tourisme dans ce pays… Or, à l’époque déjà, nous apprenions que la République du Congo avait signé un accord avec « les descendants » du fameux et fumeux De Brazza. En effet, il était question que nos dirigeants « goudronnent la piste allant à Mbe », siège de la royauté Teke, « construisent une un dispensaire » dans le même coin, « érigent une statue » en mémoire d’un roi Teke (celui qui avait, selon l’histoire officielle du Congo, « signé » le fameux traité avec l’envoyé des Français, De Brazza. Mokalu dans le pondu*, nos très chères et aimables autorités avaient pris l’engagement d’entretenir tous les établissements congolais portant le nom de ce bandit de grand chemin.

J‘ai coutume de dire que nos dirigeants sont nés avant la honte. Ils ne savent pas ce que ce mot veut dire. Les mots « dignité », « honneur », « droiture », « respect de la parole donnée », cela ne veut strictement rien dire. Ils signent des protocoles comme on choisirait une tomate dans un marché de Duala ou de Ouagadougou. Bref! je ris car je pense à ces 15 descendants de De Brazza qui se sentent floués: qui leur avait dit qu’il fallait faire confiance à nos excellences? 

Mais j’ai beaucoup de peine pour ce peuple africain qui se fait bananer comme il n’est pas permis par des élites politiques qui le prennent en otage en allant signer tout et n’importe quoi. Á ce jour, les autorités ne sont pas capables de nous expliquer sérieusement pourquoi un colon est honoré et non pas nos héros ni nos ancêtres. Ils ne sont pas capables de nous expliquer pourquoi ils ont jeté 10.000.000.000 dans ce funeste projet alors que nous manquons d’écoles, d’hôpitaux, de routes etc. Mokalu dans le pondu, j’aimerais comprendre pourquoi ils sont allés signer ce protocole avec les 15 Italiens qui, aujourd’hui, veulent reprendre la poussière de leur aïeul. La dépouille de cet homme vaudrait-elle de l’or à ce point? Au point de ridiculiser tout un pays et tout un continent? Le Congo adore se distinguer, mais dans le négatif le plus total, allant vers moins l’infini. Quand le parti de Pascal Lissouba raflait toutes les mises lors des élections de 1992 (locales, municipales, législatives, sénatoriales et la présidentielle), un slogan avait fait florès: On n’est jamais premier par hasard! Qu’est-ce qui explique alors la première place du ridicule que le Congo trimbale telle la casserole la plus bruyante qui ferait même du bruit dans les sables de Talangaï et de Simba Pelo?

Allez, faisons vite et rendons, mais très vite cette dépouille. S’il le faut, je suis prêt à la prendre moi-même et à l’amener à pieds, en Italie, pour la rendre à sa famille. Les Congolais n’en veulent pas. Ils ont leurs propres ancêtres à honorer. De Brazza ne nous a rien apporté si ce n’est du malheur. Les Congolais comme le reste des Africains, n’ont pas pour habitude d’honorer des violeurs. Nous ne commencerons pas par lui, même si certains de nos compatriotes donnent un chèque en blanc au viol et aux violeurs. Que De Brazza rentre, vite, vite, mais vite…

Obambe GAKOSSO, September 2013©

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*: Ne cherchez pas, c’est ma formule pour dire « cerise sur le gâteau »