Epurebere, adi ibo ya ndziya yo: le blog d'Obambé Mboundze Ngakosso

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3 septembre 2013

André Blaise Essama, héros national!

Classé dans : Société — Obambé Mboundze GAKOSSO @ 0 h 04 min

Quand nous étions encore à l’école primaire et au collège, nous ne cessions de dire, chaque matin, lors de la levée des couleurs que tel Africain cité était soit un héros national ou un héros international. Les noms glorieux d’Agostino Ñeto, d’Amilcar Cabral, de Patrice Lumumba, de Marien Ngouabi etc. étaient lancés par un de nos camarades et nous reprenions en choeur.

André Blaise Essama, héros national! dans Société abe1-300x211Il faut reconnaître à la vérité ce fait indéniable : très peu d’enseignants expliquaient aux enfants dont ils avaient la charge de l’éducation ce qu’était un héros. Il fallait soit poser à la question à l’école soit demander dans son entourage familial ou encore dans le quartier où on habitait. Et quand on avait des parents ou des grands qui n’aimaient pas trop ces choses de héros, ça devenait compliqué.

 

Le temps, qui remet chacun de nous à sa place a permis aux gens de ma génération de mieux comprendre ce phénomène et de définitivement rayer de nos esprits le fait que la colonisation était une œuvre géniale, au bénéfice de nos ancêtres. Certes, certains profs nous le disaient, mais pas assez. C’était souvent du bout des lèvres. Rares étaient les enseignants qui avaient le cran de faire leur travail comme il se devait en disant les choses telles qu’elles se passaient réellement.

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Les mains coupées dans le grand Congo ; le travail forcé dans tous les enclos berlinois ; l’impôt de capitation partout ; l’obligation de passer à une économie de rente en lieu et place d’une économie pour vivre, tout simplement ; etc. Il fallait aller à l’université ou tomber sur de bons livres, écrits par des chercheurs sérieux pour avoir une petite idée de cet univers horrible dans lequel vivaient nos devanciers.

 

Le système a été tellement bien rôdé, huilé, installé comme il se doit dans les crânes que certains Africains se sont mis à non pas seulement aimer leurs bourreaux, mais aussi à les adorer. Des années après le départ officiel des colons, cela ne semble choquer que quelques Panafricains ça et là, qu’à Abidjan il y ait un boulevard Giscard d’Estaing. Ce dernier, du haut de ses 87 ans, en France, doit bien en rire… Les gens ne s’émeuvent pas plus que cela que nous ayons au Gabon une ville appelée Franceville. En vertu de quoi ? Léon Mba ne peut, hélas ! pas revenir pour venir répondre à cette question ! Au Congo, on a battu les records d’humiliation et des 4 millions d’habitants et de tout un continent, en devenant le premier pays africain (au monde peut-être ?) à ériger un mausolée à la gloire d’un colon. Pour 10.000.000.0000 de XAF, Pierre Savorgnan de Brazza a eu droit en effet à un immense bâtiment qui a tous les jours les honneurs de la République du Congo. Et on en est tellement fier qu’on appelle le pays « Congo-Brazzaville ». Comme si la France sous l’occupation allemande avait vu le nom de sa capitale changer en Hitler et à ce jour s’appellerait donc France-Hitler.

 

On pourrait multiplier à l’envi les exemples sur notre continent. Mais en cette journée de lundi 2 septembre 2013, une éclaircie nous est venue du Cameroun et je suis sûr que dès ce mois de septembre, nous pouvons ajouter le nom d’André Blaise Essama parmi les héros de notre peuple. En effet, ce brave homme est devenu très célèbre en déboulonnant la statue du maréchal de France, Leclerc, à l’État-civil, Philippe Leclerc de Hautecloque. D’une part, je ne savais pas du tout que cet homme avait une statue au Cameroun. En vertu de quoi ? Qu’a-t-il fait de grand et de noble pour ce pays au point de mériter une telle reconnaissance de la part des autorités camerounaises ? Parce qu’il fut commissaire général du Cameroun en 1940 ? J’hallucine, sincèrement. Quand on voit le prix payé par les indépendantistes camerounais lors de la guerre que leur livra la France, il y a de quoi pleurer : une statue pour Leclerc… Et dire qu’en plus, cet homme ne voulait pas que les soldats africains (appelés gentiment tirailleurs), ne défilent dans les rues parisiennes lors de la libération de la France du joug nazi.

 

Bref ! le frère Essama a non seulement tout notre respect mais aussi toute notre reconnaissance pour ce grand, beau et noble geste qu’il a posé, à la face et des Africains et du monde entier. Que les services consulaires français reprennent la statue de Leclerc et l’amène ailleurs, mais loin de nos terres car elle n’y a pas sa place. Ni debout, ni allongée, ni dans n’importe quelle autre position (même oblique), nous n’en voulons pas et d’ailleurs, nous n’en avons jamais voulue. Que cette statue s’en aille là d’où elle n’aurait jamais dû partir, je ne sais pas où, mais qu’importe. Les Africains ont besoin d’autre chose dans leurs yeux que ces horreurs. Si cela n’interpelle pas nos dirigeants, alors, ils nous trouveront sans cesse sur leur chemin à ce sujet car nous ne lâcherons pas.

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Par le verbe.

 

Par le texte.

 

Par les gestes directs comme ceux du frère Essama qui mérite un chapeau Bakwa bien de chez nous !

 

Il y a de plus en plus d’Africains qui savent que lorsqu’on nous morde, cela nous rappelle simplement que nous aussi nous avons des dents pour mordre et nous pouvons mordre encore plus fort… Le temps de la rigolade, le temps CFA n’est plus là pour tout le monde. Je parie que le Essama 2013 qui est un excellent cru fera des petits et que d’autres suivront.

 

Malgré le degré d’aliénation qui nous caractérise en général, si un débat public était organisé entre les tenants de la société postcoloniale et les partisans de la Liberté de notre peuple, je ne doute pas un seul instant qu’il n’y aurait plus le moindre buste de colon sur notre continent ni la moindre école, même privée, avec le nom d’un pseudo philosophe des lumières.

 

Ce qu’il nous faut, ce sont des statues à la gloire de Ruben Um Nyobe. Nous voulons des boulevards Paul Panda Farnana Mfumu. Il nous faut des universités Stephen Bantu Biko. Kama manque cruellement de complexes scolaires Toussaint Louverture. Des académies militaires Shaka Zulu font défaut sur la terre de nos ancêtres. Et demain, qui sait, nous aurons une école André Blaise Essama : qui sait ? Il le vaut bien, lui. Car, par ce geste, il nous a rappelé ce qu’être un homme veut dire.

 

Regardez attentivement ces photos. Il y est joyeux car il a accompli un geste de très haute facture. Cela vaut bien un but victorieux en finale de Coupe du monde. De foot, de handball, de basketball, on s’en fout. L’acte est posé. Il faut le réitérer alors.

 

Merci frère Essama.

 

Obambe GAKOSSO, September 2013©

2 réponses à “André Blaise Essama, héros national!”

  1. Grace Bailhache dit :

    Eh bien mon vieux, plus je te lis, plus je réalise que nous n’avons pas eu du tout le même genre de professeur à Brazza. Que ce soit, à l’école pilote ou au lycée de la libération, je ne garde que de très bons souvenirs de mes professeurs d’histoire, qui n’étaient jamais avares de détails et qui se désespéraient au contraire de ne pas avoir sait de questions. Tu me connais, je les ai fatigué. Kié, kié, kié…

    Si bien que j’ai souvent été taquiné sur le mode « encore une question de Babéla peut-être ?

    Curieusement les noms d’Agostino Ñeto, Patrice Lumumba, Marien Ngouabi, Toussaint Louverture, Ruben Um Nyobe Biko, Shaka Zulu me sont connus mais je ne connaissais ni Amilcar Cabral,Paul Panda Farnana Mfumu, Stephen Bantu Kama ni celui qui donne son titre à ton article.

    Décidément, je ne dois jamais m’éloigner de trop de ton blog, si je veux continuer à combler mes lacunes. Merci pour cette découverte.

    Grace

    • Grâce,

      En te lisant, je reconnais avoir été un peu injuste. J’ai eu un prof au collège, en histoire-géographie, à qui il nous arrivait de nous parler des affres de le colonisation. Il fait de la politique aujourd’hui, et je ne le citerai donc pas pour ne pas lui causer du tort. Mais, d’aussi loin que je me souvienne, je ne pense pas avoir eu un seul prof d’histoire-géo, de la 6e à la terminale, qui ait eu le cran ou l’honnêteté simplement de prendre position par rapport à la colonisation.
      De même pour les « héros nationaux » et « héros internationaux », le plus souvent, j’allais fouiller et chercher auprès des miens ; aînés, journaux et livres. Sur ce plan, un journal comme Jeune Afrique a quand même joué un rôle non négligeable.
      Je pense, pour essayer d’approfondir le sujet, que nos aînés, plusieurs générations avant nous (école juste après « l’indépendance » ont vraiment eu eux, plus de chance que nous. Il faut dire que le Congo était à l’avant-garde de mouvements comme le marxisme-léninisme, le maoïsme, le stalinisme etc. Ces doyens ont été élevés avec pour buts ultimes l’instauration de sociétés socialistes et la libération des masses (je fais court car c’est bien plus long et bien plus complexe que ça). Ils avaient des enseignants qui leur parlait sans cesse de ces grands leaders africains (et pas que), qui avaient donné leurs vies, qui passaient leurs temps à se battre pour que les masses soient libérées des colons et autres représentants de l’impérialisme. Si bien que pour eux un Amilcar Cabral n’était pas un inconnu. Pour Paul Panda Farnana Mfumu c’est un peu moins évident car ce brillant esprit est un des oubliés et méconnus du Panafricanisme. Pour faire court, Panda Farnana Mfumu est celui qui inspira le plus Patrice Emery Lumumba. J’espère revenir sur le parcours brillant mais trop court de cet homme que nous gagnerions vraiment à connaître.

      @ suivre.

      @+, O.G.

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