Égypte: Putsch or Coup d’État?
Peut-on dire que c’est un coup d’État ? Peut-on vraiment dire que c’est un coup d’État ? Peut-on vraiment dire que ce se passe en Égypte est un coup d’État ? Est-ce un coup d’État ? Est-ce réellement un coup d’État ? S’agit-il vraiment d’un coup d’État ? Ce qui se passe en Égypte peut vraiment être qualifié de coup d’État ?
La France est un pays qui est doté d’un réseau universitaire très important, comparé aux pays de notre continent. Si, dans un domaine comme les mathématiques, l’école française est difficilement contestable, sur le plan journalistique, force est de reconnaître la compétence n’est pas la qualité la mieux partagée. Le pire est que certains de ces journalistes ont tâté du droit et qu’ils savent donc qu’il n’y a pas mille et façons d’accéder au pouvoir. Si le roi des Belges vient de nous rappeler, hier soir, comme la reine des Pays-Bas il y a quelques semaines et l’émir du Qatar encore tout récemment, qu’il y a encore des monarchies de droit divin et que ces gens-là n’ont que faire de la volonté populaire, pour changer le nom (ou plutôt le prénom) du chef de l’État.
Si le président démissionne, la Constitution parle à sa place. Si une révolution l’emporte (une vraie révolution, au sens propre du terme), on sait aussi comment les choses se passent, avec selon les cas, la mise en place d’une Constituante. Ou bien c’est l’armée qui entre dans le jeu. Qu’elle le fasse à bon ou à mauvais escient, c’est un coup d’État et point n’est besoin d’être un fin juriste pour le constater. Ma culture juridique est juste livresque et il m’arrive souvent de suivre des débats entre constitutionnalistes. Voilà mes sources pour essayer d’appréhender l’outil juridique qui – je le concède – n’est pas aisé à manier.
Les contorsions (ridicules il faut le dire) et les tentatives de jonglerie stylistique dont font montre les journalistes français* depuis hier ne trompent personne. D’une part, il leur est impossible de cacher leur joie de voir les islamistes** renvoyés de force à leurs chères études. Ces gens commençaient à bien faire avec leur volonté « d’empêcher les gentils occidentaux » de pratiquer allègrement leur tourisme. Non mais oh ! ils se croient où, enfin ? Chez eux, peut-être ? D’autre part, et c’est une conséquence bien voulue de cette manipulation très insidieuse qu’ils pratiquent en ne reconnaissant pas d’emblée que l’irruption de l’armée de l’armée (ou plutôt son retour) dans le jeu politique égyptien est bel et bien un putsch. Il ne sert à rien de chercher mille autres mots. L’Occident étant heureuse de ce qui se passe, elle est en même temps, hélas ! embarrassée car selon les bonnes leçons qu’elle bien nous donner, selon les saisons, les coups d’État sont soit mauvais, soit très mauvais, soit bons, soit moyens. Et pour bien s’en rendre compte, il suffit d’écouter ce qu’en disent leurs chancelleries.
Depuis hier donc, « spécialistes » et autres « experts », sans compter les « consultants » du monde arabe, de l’Égypte, de l’Afrique du Nord, du Moyen-Orient, du Proche-Orient etc. défilent sur les plateaux de télé*** donc pour répondre aux mille et une questions posées par les journalistes français. Mille et une questions qui se résument en une seule en fait et qui est plutôt une manière de nous faire comprendre ou de faire dire à leurs invités, Écoutez, on se connaît, mais on a affaire à des moutons devant le petit écran. Nous savons que c’est un coup d’État et déjà, nous n’avons pas bonne presse**** auprès de ces moutons, mais faisons semblant. Vous aurez tout votre temps pour développer, tourner autour du pot, emberlificoter, pour embobeliner, mais surtout, ne dites pas directement que c’est en effet un putsch. Et le jeu est tellement bien joué. Et les acteurs sont bons. Cela dure des heures avec dans une large case de notre écran la désormais mythique place Tarhir.
Aux USA aussi, évidemment qu’ils sont contents. Mais ils ont un autre problème avec leurs textes, contrairement aux nations européennes. Le Congrès américain ne traite pas – officiellement – avec des putschistes. Officiellement… Il est dans l’intérêt de l’Égypte, si elle veut continuer à bénéficier de la fameuse manne (1,3 milliards de $ US d’aide annuelle, la deuxième au monde après celle reçue par Israël) que la légalité constitutionnelle soit restaurée. Mais gageons que, malgré tout, tonton d’América sera encore là et même dès maintenant, en sous-main, pour dire, Ouais ! les gars, super, bien joué. Vous nous avez débarrassés des barbus. Super. On va taper sur vous en public, le jour, mais après minuit, à l’heure des sorciers, nous allons nous retrouver pour boire des coups et si vous avez besoin de quelques biftons, tonton est là, ok ? Faut-il rappeler les liens extrêmement étroits entre les officiers égyptiens et le Pentagone ? Ces liens ont été plus que décisifs lors de la chute du raïs Hosni Moubarak de même qu’en Tunisie.
Putsch or putsch ? That’s my question !!! Cela me rappelle des discussions enflammées avec des caudataires du régime de Mfoa, suite au retour du PCT (Parti congolais du travail) en octobre 1997, au pouvoir. Chaque fois que j’ai eu l’occasion d’en parler avec eux, même quand je m’efforçais d’être le plus calme possible (sans la moindre pilule), ils me sortaient des arguments extrêmement fallacieux pour dire que ce n’était pas un putsch et moi je ne faisais qu’insister : Si ce n’est pas un coup d’État, c’est quoi alors ? Et on repartait sur, Mais il faut d’abord voir ce qui s’est passé avant (…) Il ne faut pas oublier qu’il y a eu une guerre (…) Tu te souviens pourtant que Lissouba avait bombardé les quartiers Sud (…) Tu sais que (…) Souviens-toi que (…) Je leur laisse toujours tout leur temps et je reprends ma question, Si ce n’est pas un coup d’État, c’est quoi, alors ?
Vous remarquerez qu’aucune de ces puissances qui donnent des leçons à la terre entière chaque jour et ce à chaque seconde, n’ont pas décidé de geler quelque compte que ce soit. Ils n’ont pas interdit de visa le moindre dirigeant égyptien, dirigeant nouveau, bien entendu. Imaginons un seul instant qu’un des protégés de Paris, en Afrique, soit victime de pareil putsch? La France passerait son temps à taper sur les nouveaux maîtres des lieux. Ne nous étonnons pas alors que les « journalistes » français conditionnent la populace en posant des questions niaises. Ensuite, c’est très facile de faire comprendre au con_tribuable pourquoi Paris, Washington et London ne sanctionnent pas les soldats égyptiens. CQFD!
Je pense vraiment que la passion aveugle complètement. Elle nous fait perdre tout recul, même le plus petit recul nécessaire pour nommer simplement les choses. Mais bon, je me console en me disant que les chantres du PCT peuvent être d’excellents experts, consultants et autres spécialistes. Dommage pour eux que la question congolaise (de Mfoa) n’intéresse aucune chaîne de télévision française, sauf pour évoquer quelques secondes les BMA (Biens mal acquis)…
Obambe GAKOSSO, July 2013©
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* : Je ne sais pas pour les autres journalistes européens. Dans le cas précis de la France, je tiens aussi à préciser que je parle là des journalistes de notre petit écran car je n’ai pas suivi la radio ni lu la presse papier.
** : Le mot qui fait frémir, en Occident ! Islamistes ? Mon Dieu… !
*** : En toute logique, à la radio, ce doit être pareil.
**** : Ce n’est pas un jeu de mots.