William Edward Burghardt Du Bois, in « Les âmes du peuple noir » (2)
Après un premier partage de l’ouvrage Les âmes du peuple noir, de l’Africain-Américain William Edward Burghardt Du Bois (1868, Great Barrington-1963, Accra), j’ai sélectionné une autre partie de ce magnifique ouvrage qui devrait vraiment être vulgarisé au sein de notre communauté.
Il y a parmi nous des tas de gens qui font des dons, des envois d’ouvrages vers le continent. Je recommande vivement ce livre afin que nos jeunes sœurs et frères puissent le lire, apprendre et savoir des choses sur ancêtres déportés aux Amériques et aussi sur leurs descendants.
C’est enfoncer une porte ouverte que de dire que le trafic négrier et le yovodah sont les pires abominations qui aient existé sur cette terre. Certes. Mais en reparler est une nécessité plus que vitale sur un continent où tous les jours, nos élites politiques, véritables pions de l’Occident, s’attellent à saper notre mémoire et à la travestir.
Du Bois, né quasiment trois ans après la Guerre de sécession a eu la chance de faire des études supérieures – et lesquelles ! – qui lui ont permis d’étudier différentes évolutions de son pays. Il n’a pas étudié pour le plaisir d’étudier, histoire de dire, j’ai de longs papiers, regardez-moi, un Nègre au-dessus des 99,99% autres. Non, il a mis son savoir au service de sa communauté et ce, de fort belle manière. Non seulement il a été un des plus grands activistes pour la cause noire, mais en plus, il a laissé un travail considérable concernant leurs conditions à son époque (fin dix-neuvième, début et mi-vingtième siècle).
Les bonnes feuilles que j’ai choisies aujourd’hui parlent de légendaire indolence du Nègre. Le samedi 11 mai 2013, à Aubervilliers, j’ai eu l’occasion, au nom de la Ligue Panafricaine – UMOJA d’évoquer les résistances africaines dans le cadre du yovodah et du trafic négrier. Le maître-mot était qu’aucun peuple ne se soumet de gaité de cœur. Tous les êtres vivants (plantes comme animaux) opposent une résistance quand ils sont agressés. N’importe qui peut en faire l’expérience, il n’y a rien de magique à ce niveau.
Prenez une plante que vous coupez, elle repoussera dès que les conditions naturelles le permettront. Prenez le coq le plus inoffensif et voyez s’il se laissera faire aussi facilement si vous tentez de l’égorger. Les humains – qui font partie du règne animal, rappelons-le – font pareil. Ils se défendent dès qu’ils sont agressés. Et, quand ils sont soumis, les méthodes ne leur manquent guère pour résister. Même si c’est une résistance qui est passive. C’est de là que vient la légendaire indolence du Nègre. N’importe quel enfant à qui vous devez demander dix fois, cent fois de réussir un soir un exercice de maths ou de chimie vous mettra les nerfs en pelote, à moins que ce ne soit un plomb qui fonde dans votre esprit. Au mieux vous laissez tomber, au pire, il prendra une raclée. Ainsi se sont comportés certains de nos ancêtres lors de ce terrible voyage aux Amériques, en Asie (quatorze siècles de razzias islamiques, rappelons-le aussi).
W. E. B. Du Bois évoque la chose dans son ouvrage.
Obambe GAKOSSO, July 2013©
Pour le sociologue à la petite semaine, pour l’homme qui cherche à comprendre et connaître le Sud en consacrant les quelques heures de loisir d’un voyage d’agrément à démêler un écheveau vieux de quelques siècles – pour de tels hommes, très souvent, le problème des journalistes noirs peut être résumé par le mot de tante Ophélie: « Paresseux ! » Ils ont vu très souvent, des scènes comme celle de dont j’ai été le témoin l’été dernier. Nous roulions vers la ville sur la grand-route, à la fin d’une longue journée de canicule. Deux jeunes gens noirs nous ont dépassés, dans un attelage mené par une mule, transportant plusieurs boisseaux de maïs en épis, jetés en vrac. L’un conduisait, penché distraitement en avant, les coudes sur les genoux – image même, insouciante et nonchalante, de l’irresponsabilité. L’autre sommeillait au fond du chariot. Quand ils nous dépassèrent, nous vîmes un épi de maïs tomber du chariot. Eux, ils ne l’ont pas vu. Dix mètres plus loin, nous remarquâmes un autre épi sur le sol ; et entre cette vieille mule et la ville, nous en avons compté vingt-six. Paresseux ? Oui, l’incarnation de la paresse. Et pourtant, suivez ces garçons, ils ne sont pas paresseux ; demain matin, ils se lèveront avec le soleil ; quand ils travaillent, ils travaillent dur, et sans rechigner. Ils ne se comportent pas de manière sordide, égoïste ou avide, mais ils ont un mépris sincère pour l’argent. Ils vont fainéanter devant vous et travailler devant vous et travailler dans votre dos avec honnêteté et entrain. Ils vont voler un melon d’eau, mais vous rendre votre portefeuille perdu sans y avoir touché. Leur grand défaut, en tant que travailleurs, réside dans le fait qu’ils n’ont aucune stimulation à travailler au-delà du simple plaisir de l’exercice physique. Ils sont insouciants, car ils n’ont pas remarqué que ça rapportait quoi que ce soit de se faire du souci ; ils sont imprévoyants, car autour d’eux, ceux qui sont imprévoyants s’en sortent tout aussi bien que les prévoyants. Et par-dessus tout, ils ne voient vraiment pas ils se donneraient du mal pour améliorer la terre de l’homme blanc, forcer sa mule à accélérer ou mettre ses récoltes à l’abri.