Après le 04 mars 2012, le Congo, dans toute sa splendeur
Au mois de septembre 2012, je discutais avec un député membre d’un parti politique présent au sein de la « majorité » parlementaire au Congo-Mfoa. Il était d’un optimiste débordant quant au démarrage des travaux dans le quartier qu’il est devenu courant d’appeler 04 mars.
En effet, ce quartier, à cheval sur deux arrondissements, Ouenze (n°5) et Talangaï (n°6), a été rasé le dimanche 04 mars 2012 dernier, suite à des « explosions » au sein du camp du régiment blindé, situé lui-même dans cette zone. J’ai déjà consacré un certain nombre de billets (dont le dernier, ici) suite à ce drame qui a endeuillé des familles entières, qui a détruit des biens matériels et, en final de compte, n’a fait qu’ajouter une ligne à la liste – trop longue – des drames qui secouent ce pays depuis tant de temps*.
Le dimanche 04 mars au matin donc, on a vu deux ministres raconter leurs vies à la télévision nationale : Charles Zacharie Bowao (Défense) et Raymond Zéphirin Mboulou (Intérieur). Les Congolais, dans la journée même, se rendront que, encore une fois, on leur a raconté des salades d’un goûté extrêmement nauséeux, par ces officiels, grassement payés, qui n’ont aucune espèce d’utilité, en pareilles circonstances. Si Bowao a disparu de la liste des ministres du Congo (sanction ?), cela n’a en rien changé la situation sur le terrain. Ceci est un message à l’endroit de celles et qui, naïvement, croient que les changements d’hommes entraînent automatiquement une meilleure gestion de la chose publique…
Notre ami le député, j’en suis sûr, ne me lit jamais et ne connait pas mes convictions politiques. Sinon, il se serait gardé de me divertir avec son discours : Lundi prochain (nous étions dimanche), tu vas voir, les travaux vont commencer. Voilà ce qu’il m’a répété devant mon scepticisme.
Septembre est passé et les Congolais n’ont rien vu.
Octobre a vu le même scénario se jouer avec les mêmes acteurs : Bientôt, les travaux vont démarrer !
Le 01/11/2012, les Congolais sont allés fleurir les tombes des leurs et les travaux n’avaient toujours pas débuté.
En décembre, je ne sais pas combien ont eu l’occasion de manger un bon pondu le 25 et le 31, mais toujours est-il que rien ne se passa non plus.
Janvier, le mois le plus long, car suite aux folies de décembre, on a l’impression que les 31 jours de ce mois sont en réalité 62. Rien ne vint !
Février, mars, avril : rien non plus. Plus d’un an après, inutile de vous comment vivent nos compatriotes. Le mot dénuement est trop petit pour exprimer l’intensité de leur semblant de vie… Bon, je suis un peu mauvaise langue, je le reconnais. Lisons plutôt ce qui est écrit sur Congo-site, suite à une rencontre entre le secrétaire général de la mairie de Talangaï, Jean Amboua et « les habitants du sixième arrondissement (…) » de Mfoa, « (…) dont les maisons ont été détruites lors des explosions du 04 mars 2012 (…) » à Mpila.
Depuis les tragiques événements de 1993 où on avait vu une armée bombarder des quartiers de la capitale politique congolaise et des milices privées soit s’affronter soit s’en prendre à des populations civiles à mains nues, les Congolais ont pris l’habitude d’appeler leurs compatriotes contraints de partir de chez eux, « sinistrés ». Nos sinistrés donc, qui eux, ont une vraie mémoire, ont rappelé lors de cette rencontre que le 07 septembre 2012 dernier, Jean-Jacques Bouya (actuellement ministre*) à l’époque Délégué général aux Grands travaux (sic !), « avait annoncé que les travaux de reconstruction et de réhabilitation des maisons (…) totalement ou partiellement détruites, devraient démarrer sous peu. » Aussi, pour avancer, ces mêmes habitants recommandent « au ministère à la présidence, chargé de l’Aménagement du territoire et des Grands travaux, l’organisation d’une prochaine réunion d’échange. » Ironie du sort, qui est le titulaire de ce portefeuille ? Je vous le donne en 1000 : le même Bouya !!! Sincèrement, que vont-ils se dire ? Il va leur promettre que les « travaux vont [devraient] démarrer sous peu ? »
Tout cela n’est pas très sérieux et montre encore combien, les pauvres Congolais sont tenus en très peu d’estime par les pouvoirs publics. Quand il est question de défendre leur pouvoir, nos autorités ne lésinent jamais sur les moyens : ils sortent généralement l’artillerie lourde. Le Trésor public et les autres régies financières sont mis à contribution chaque fois que c’est possible. Quand des magistrats français, donc relevant du gouvernement français) font mine de s’intéresser d’un peu trop près aux biens meubles et immeubles acquis dans des conditions obscures par nos seigneuries, il est même organisé des « marches de soutien » et des meetings en salle car il faut alors « défendre la souveraineté nationale ». Quand un dignitaire de pauvre régime souffre du moindre rhume (au bas mot) ou d’une pathologie lourde, il est évacué en Occident ou au Maghreb pour y subir des soins, forcément meilleurs que ceux qu’il aurait reçus en demeurant au pays. Pour cela, nous trouvons de l’argent. Vite et même très bien. Comme si cet argent était tapi dans l’ombre en train d’attendre que ce genre de cas se présente, coûte que coûte…
Encore une fois, l’occasion nous est donnée pour faire comprendre aux Congolais qu’entre le gouvernement et eux, une notion comme la confiance ne peut être un élément à évaluer au quotidien ou hebdomadairement. Ce n’est pas la première fois qu’une partie de ce même peuple se fait avoir de la sorte. Je crois savoir que tous les « sinistrés » de 1993 et des guerres suivantes n’ont pas été indemnisés. Tout le monde le sait mais cela ne semble choquer personne. On ne voit jamais l’opposition s’emparer de ce genre de sujets. Cette frange de la politique congolaise confirme encore une fois qu’entre elle et le pouvoir, il y a des similitudes qui donnent une impression de gémellité.
Qui se préoccupe de ce qu’endurent les Congolais, qu’ils soient sinistrés de 1993 ou de 2012 ? Qui se préoccupe de savoir comment et quand ils pourront avoir (de nouveau pour certains) des logements décents ? Pour calmer la plèbe, 3 millions de XAF furent distribués aux gens. Nous ne fûmes même pas capables de soigner nos blessés alors que le pays est immensément riche. Extrêmement riche.
Encore une fois, à qui profite le crime ? Que gagnent nos élites en sacrifiant et humiliant ainsi de pauvres gens qui ne demandent qu’à vivre dignement avec des soins décents, une école de qualité pour leurs enfants et de quoi avoir trois repas par jour. Mais ça, visiblement, c’est trop demander à nos augustes seigneurs…
Obambe GAKOSSO, May 2013©
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* : Le Congo figure en bonne place parmi les experts en coups d’État, sur le continent. Ajoutons-y les assassinats politiques de 1965, les guerres de 1959, 1993, 1994, 1997, 1998 etc. On n’est pas sortis de l’auberge…