Retour sur la catastrophe du 04 mars 2012 avec Monganga
La dernière fois que je l’ai vu, j’étais dans un bus et lui à pied. Dans le pays où je vis, on ne s’amuse pas à crier depuis la fenêtre d’un bus pour héler un passant. D’une, au pays mien, je ne l’ai jamais fait. De deux, les bus d’ici n’ont pas de fenêtres qui permettraient cela. bref ! je n’aurais pas osé le faire de toutes les façons.
La dernière fois que nous nous sommes vus et que nous avions discuté, cela fait des siècles. Le diable devait à peine être baptisé. Très récemment donc, j’ai eu l’occasion de le revoir, inopinément. On a refait le monde, comme de coutume. On a reparlé des connaissances communes et fatalement, la politique s’est invitée au menu, même avec lui qui n’a jamais été intéressé par le sujet. Il est médecin et a l’avantage, d’avoir pas mal voyagé : au moins 4 pays africains où il a vécu, souvent étudié et pratiqué la médecine. Il est en France pour compléter sa formation car, comme chacun sait, l’école ne finit jamais et puis c’est toujours un plaisir d’apprendre.
Discuter avec un spécialiste d’un domaine donne forcément une vision beaucoup plus précise des choses. Plus je cause avec les médecins africains (surtout du Congo), plus on est persuadé que nos autorités font vraiment exprès de laisser notre système de santé en l’état, laissant ainsi mourir la plèbe tandis qu’elles mêmes prennent tout le temps l’avion pour aller se faire soigner en France et au Maroc, dernière destination en vogue, depuis quelques années.
Le Maroc justement. Parlons-en. Ce médecin avec qui j’ai donc échangé m’a dit que suite au drame du 04 mars 2012 à Mfoa m’a dit qu’il a fait partie d’une délégation de médecins de la diaspora, partis au pays, pour donner un coup de main aux compatriotes touchés dans leur chair. Les Marocains y avaient dépêché du personnel médical et ce dernier a dressé un hôpital de campagne. Cela a bien soulagé les Congolais car, comme vous le savez, au pays, le ministère de la Santé est à peu près vide de sens. Notre médecin (allez, appelons-le Monganga) a donc reconnu quasiment tous les médecins marocains qui étaient présents : soit ils étaient de la même promotion que lui, soit ils étaient à peine un peu plus avancés. Une phrase est sortie de leur bouche, qui l’aura marqué à vie : C’est donc ça ton pays ? Que pouvait-il donc répondre, le pauvre, alors que l’évidence était là, sous les yeux de la terre entière ? Le Congo n’avait rien pour s’occuper de tous ces blessés. Ça, il le savait, je le savais, les Congolais le savaient, mais les Marocains eux, en furent atterrés.
Au passage, je signale que le Maroc n’a ni pétrole ni bois. Juste du phosphate mais ça, les Subsahariens s’en foutent royalement car ça ne rapporte pas autant…
Monganga me dira donc que face à toutes les fractures constatées, il était nécessaire d’avoir des fixateurs externes. Si cela ressemble à du coréen pour vous, jetez un œil ici. Eh ben ! tenez-vous bien, il en a très vite manqué car nous n’en avions pour ainsi quasiment pas !!! Dans ce pays, les autorités de la santé ont dû penser que les fractures, ce n’était pas pour les Congolais…. Les Marocains eux, ils en avaient et ils nous ont pas mal dépanné. Et Monganga de me dire ensuite qu’à la télévision, il fallait entendre les autorités congolaises dire sans la moindre gêne que La France a promis de nous offrir 30 fixateurs externes. Ce pays ne connaîtra jamais la honte, avec ces dirigeants !!! Même pour ça, il faut mendier : mais bon sang de bonsoir, à quoi sert-il d’être ministre dans ce pays ??????????
Monganga me parlera aussi d’un jeune homme de 30 ans qui était leur chauffeur durant cette période. Suite à un accident de circulation, Monganga et ses collègues ont estimé qu’il avait besoin de subir un scanner. Hélas ! le technicien n’était pas disponible. Il faut donc l’appeler :
- Vous êtes sûrs qu’il a besoin d’un scanner ?
Aussi curieux que cela puisse paraître, ce technicien demandait en gros à des médecins si ça valait le coup de poser un acte dont la décision leur revenait quand même… Après donc un long échange, ce technicien qui devait sans doute être trop occupé, accepta de se déplacer mais il y avait un autre os dans cette affaire : les clés de la salle où se trouvait le scanner étaient entre les mains d’une autre personne qui, comme ce technicien, n’était pas à l’hôpital. Le temps de chercher le gardien de la clé, notre jeune frère de trente ans mourra, si l’on peut dire, devant l’impuissance des médecins.
Ce tableau sombre* dressé par ce frère, je l’entends tous les jours en causant avec les médecins exerçant au pays. Les patients nous disent la même chose. Je ne sais pas où nos dirigeants veulent conduire ce pays, mais je pense que le mur du çon a été franchi depuis belle lurette…
Obambe GAKOSSO, May 2013©
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* : En fait, il m’a dit bien plus de choses que ça. mais je n’ai pas envie de vous fatiguer les yeux…