La justice zambienne fait école: un ancien président au trou
Il est des nouvelles qui sont plaisantes à lire, alors que nous nous plaignions souvent que les infos sont morbides, nous servant trop de nouvelles tristes. Hier à peine j’évoquais le séisme politique qui a lieu au Sénégal avec l’arrestation de Karim Wade, ancien ministre de la République du Sénégal*. Hier mardi, j’apprenais que l’ex-chef de l’État zambien (2008-2011), Rupiah Banda (1937-) a été inculpé par la justice de son pays.
Le motif ? Cela fera sourire nombre de Congolais et pour tout vous dire, j’ai appelé un frère pour lui en parler et il a tellement ri qu’il m’a dit, Ils sont vraiment bizarres chez les anglophones ? Comment on peut inculper un ancien président ? Et en plus pour si peu !!! Chez nous les francophones, un sergent peut tuer dans la rue, devant 500 témoins, à partir du moment où il a un parent au pouvoir…
Oui, c’est comme cela, bien souvent, dans les pays africains dits francophones, sauf lorsqu’il y a vengeance politique, alors que chez lesdits anglophones, la culture est radicalement différente et la Zambie est un véritable modèle où on peut vraiment considérer que la justice fait son travail. Je ne sais pas si c’est du au fait que feu le président (2002-2008) Levy Mwanawasa (1948-2008) avait mené une lutte implacable contre la corruption, mettant même en cause son prédécesseur Frederick Chiluba (bien qu’ils aient travaillé ensemble !!!), toujours est-il que la Zambie continue à impressionner.
Les chefs d’accusation à l’encontre de Banda sont intéressants à analyser :
- Abus de biens sociaux : « Détournement d’importantes sommes d’argent pour lui et pour sa famille », dans le cadre d’un contrat avec une compagnie pétrolière nigeriane. La justice parle carrément de corruption, de blanchiment d’argent et de fraude.
- Il aurait joué un rôle dans la vente de terres à un « investisseur » égyptien.
Pour que ce travail de la justice puisse être fait, il a fallu qu’au mois de mars dernier, l’immunité de Banda ait été levé. Le procès a devrait débuter ce jour, 17 avril 2013.
Je pense vraiment que cette nouvelle est très bonne et même excellente. Non pas qu’il soit plaisant de se payer un ancien président de la République, mais c’est un excellent signe de bonne santé de notre justice***. Nous avons les cas, même dans les pays qui se disent être de « vieilles et grandes démocraties » des anciens présidents, des anciens ministres qui arrivent à échapper aux filets de la justice. Même quand tous les faits sont étalés sur la place publique. Le cas de l’ex-chef d’État français, Jacques Chirac (1932-) est sans doute le plus emblématique, à mes yeux. Il a échappé à la case prison et la nouvelle de sa mise en examen avait été un tsunami dans le landernau politco-journalistique : c’est tout simplement impensable que ce milieu où l’on n’arrive pas à comprendre que la justice s’en prenne aux politiques, à quelques exceptions près.
Certains pays africains n’ont pas besoin d’attendre qu’on vienne le leur demander. Ils le font et point barre. Bien sûr, on objectera que l’on pourrait monter d’un cran, avec une justice s’intéressant aux hommes de pouvoir, pendant qu’ils sont encore en poste. Si pour un président de la République, c’est extrêmement difficile (je le concède), reconnaissons que des présidents n’ont pas hésité à virer des ministres accusés ou soupçonnés d’indélicatesse et de légèreté dans la gestion de la chose publique (res publicae, la république, en latin).
Je crois que petit à petit, les Africains renoueront avec leur passé glorieux sur ce plan. Combien ont réellement analysé le fait que le président malgache Marc Ravalomanana a perdu le pouvoir à cause du contrat léonin signé avec la firme sud-coréenne Daewoo ? Combien d’entre nous savent qu’une reine malgache fut obligée de se suicider en avalant de la soie car elle avait justement cédé des terres à des étrangers, en violation de la loi de son royaume ? Nos ancêtres avaient des dispositions qui permettaient de sanctionner un souverain qui abusait de son pouvoir, même au niveau de la gestion des deniers publics. Les rois de l’Ouest de notre continent, qui avaient des tonnes d’or à gérer (une sorte de Trésor public) savaient quelles limites il ne fallait pas dépasser. Ceux et celles qui transgressaient la loi en subissaient les conséquences de leur vivant. Sinon, la postérité les rayait purement et simplement, à tel point que leur passage sur terre passait comme un grain de sable emporté par le vent.
Nous n’avons pas, sur ce plan, besoin d’aides de je ne sais quelles organisations internationales.
Les « conseils » et autres « avis » de consultants et autres juristes, obscurs, sortis de nous ne savons où, on devrait, on doit et on va s’en passer. Royalement.
Le continent a tout, à ce niveau, pour mettre en place des arsenaux juridiques adéquats.
Nous avons en plus des juristes de grande qualité qui ne demandent que des choses simples : la possibilité de travailler et être bien rémunérés.
L’Afrique s’en sortira.
Obambe GAKOSSO, April 2013©
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* : Son département était tellement immense que les Sénégalais l’appelaient « Ministre du ciel et de la terre »
** : Reconnaissons que cette spécialité est une sorte d’apanage de pas mal d’hommes de pouvoir.
*** : Je n’utilise pas le mot « démocratie » à dessein, car de plus en plus galvaudé.
En France, si on est Jacques Chirac ou Sarko, être traduit en justice en étant mis en examen est un réel crime de lèse Majesté qui provoque beaucoup d’indignations.
On l’a vu récemment lorsque le juge a mis en examen celui qu’on soupçonne d’avoir rasé les murs et d’être allé soutirer des sous à la vieille bourrée de fric qui avait un peu perdu la tête…
Que dire de celui qui prétendait, dépenser chaque jour près de 2000 frs (300 euros) rien qu’en achats de fruits pour son dessert?…
Dans un cas comme dans l’autre, en ne risque jamais de la prison ferme mais au mieux, une relaxe ou dans les pires des cas, une condamnation avec sursis…
Mais si on est un petit délinquant de banlieue, on prend de la prison ferme pour un vol de mobilette ou de vêtements dans un supermarché.
Quand on fait partie de la « racaille respectable », ce n’est qu’une histoire de « copains et de coquins » à ce stade-là, comme disait l’autre… On est entre gens de bonne société… Rien à voir avec la pègre de banlieue.
Ndeko na ngaï,
Ces gens que tu cites bénéficient en France d’un système solide qui les protège bien comme il faut. Ces délinquants en col blanc échappent la plupart du temps aux mailles du filet. Le système est fait par eux, pour eux et pour eux seuls.
Les pauvres gosses, comme tu dis, ils n’y coupent pas: menottes et taule et on n’en parle plus! Terminé!!!
Je connais un gamin qui s’est retrouvé au trou pour avoir fumé. On m’en parlait souvent, mais là, c’est un cas personnel: c’est pathétique!!!
@+, O.G.