Remember Emebe
Jean-Marie Emebe, cela vous parle quelque chose ? Pour le connaître ou se souvenir de lui, il faut être amateur de boxe ou aimer le sport africain, celui particulièrement des années 70 et 80.
Fils d’un cultivateur et dernier d’une famille qui comptait avant lui 4 filles, il est contraint d’arrêter trop tôt ses études pour aller à Douala, « se chercher » comme on dit si bien du côté d’Abidjan. En effet, son pater étant victime de la polio, les moyens de subsistance se retrouvent très vite diminués. Doté d’un physique impressionnant, dans la capitale économique du pays des crevettes, il se met au judo. La lecture d’un article de presse évoquant le futur combat de son ami, le boxeur Hugues Samo. il Le combat étant un évènement, la manière dont on en parle le pousse à troquer le kimo,o et la ceinture avec des gants de boxe, les chaussures qui vont avec sans oublier le short.
C’est ainsi que la légende Emebe est en route : champion d’Afrique des poids welters (entre 63,503 et 66,678 Kg, en pros et entre 64 et 69 Kg en amateurs). Champion d’Afrique des poids moyens (la catégorie au-dessus) ; finaliste du championnat du monde militaire. Il remporte généralement ses combats avec une moyenne de 2 mn ( !!!) et se voit accoler les surnoms de Coyote, The Hunter, The Champ, etc.
Il fera partie de la délégation camerounaise aux Jeux Olympiques (JO) de Montréal en 1976. Avant même l’ouverture de ces JO, 22 nations africaines décident de les boycotter. 3 pays africains (Égypte, Tunisie et Cameroun) décident malgré tout de commencer les jeux avant de faire comme les autres et de plier bagage. C’est ainsi qu’Emebe ne pourra combattre, alors que le sort lui avait désigné l’Américain Michael Spinks qui sera d’ailleurs… médaillé d’or, lors de ces jeux !!!
Emebe devient alors pro et remporte 11 victoires par K.O. sur 12 combats livrés. Il s’en va en France pour continuer cette carrière qui s’annonce de plus en plus prometteuse mais elle tourne en eau de boudin. Malgré mes belles promesses qui lui sont faites de part et d’autre, en six ans, il ne combattra que 9 fois : c’est bien trop peu, pour un sport qui a des exigences très particulières. Il faut combattre, sinon, c’est foutu. Emebe souffre d’un handicap non négligeable : les adversaires se défilent, tant il est percutant et dévastateur lors des combats. Il s’en va ensuite aux USA où il espère connaître une meilleure fortune. 4 combats, 3 victoires contre 1 défaite. Mais il s’y oppose au pape de la boxe, le redoutable Don King, l’homme à la crinière si particulière qu’il ne peut passer inaperçu. La pomme de discorde sera le partage des gains.
Il rentre en France avec la nationalité française qu’il vient d’acquérir. Voyant que rien ne bouge, il tente le tout pour le tout et fait même un passage sur la deuxième chaîne de télévision française, Antenne2 où il clame Je veux être champion du monde. Il aura ainsi l’occasion d’affronter l’Américain Marvin Johnson. Mais ce dernier, avant de boxer demande une rallonge de sa part du gâteau : il lui faut 20.000$ de plus. Emebe qui a vraiment besoin de combattre s’assoit donc sur cette somme pour se contenter de 10.000 $ à peine, chose hallucinante pour un championnat du monde ! Face à 8000 spectateurs soutenant sans relâche Johnson, le combat est rude et l’arbitre doit y mettre un terme à la treizième reprise, du fait de l’œil poché d’Emebe. Malgré tout, la presse le couvre de louanges.
Le combat retour doit avoir lieu au Cameroun mais les autorités camerounaises y mettent un barrage. Il aura une dernière chance en 1988 dans l’État américain du Dakota où il doit combattre le champion du monde Virgin Hil. Emebe est mis K.O. à la onzième reprise. Mais il affirmera avoir été drogué, ce qui expliquera sa défaite. D’ailleurs, des traces de morphine seront trouvées dans ses urines à l’issue du combat…
Depuis des années, je n’entendais plus du tout parler de guerrier des temps modernes. C’est en regardant une vidéo récemment que j’ai pensé à lui. La mort dans l’âme… Regardez et bon dimanche.
https://www.facebook.com/photo.php?v=4480578212012&set=vb.1216752311&type=2&theater
Obambe GAKOSSO, April 2013©
Ndeko na ngai,
Effectivement, Emébé est un grand Monsieur qui est passé à côté d’une grande carrière.
Comme tu le fais remarquer, en France tous ses adversaires potentiels de l’époque se sont défilés et personne ne prenait le risque de l’affronter.
Je me souviens qu’il avait, sur les ondes, défié Karamanolis (le champions français de l’époque) pour l’affronter. Ce dernier a trouvé mille échappatoires pour ne jamais mettre sont titre en jeux contre Emémé.
Quant au combat contre l’américain Virgil Hill que j’avais regardé en direct sur Canal Plus, outre les soupçons de drogue, Emébé avait fait l’objet d’intimidations juste avant le combat, pendant qu’il était en train de se préparer dans les vestiaires…
Il avait, en effet reçu la visite impromptue d’un huissier de justice américain qui était venu sur des prétextes fallacieux, lui présenter une assignation en justice; ce qui l’avait sérieusement perturbé psychologiquement…
Il paraît que c’est une pratique relativement courante au pays de l’oncle Sam… Un boxeur peut par exemple recevoir la visite d’un huissier 10 minutes avant de monter sur un ring pour non paiement d’une pension alimentaire par exemple et se faire consigner tous ses gains…
Quant au combat lui-même qui avait lieu, si je ne me trompe pas, à Bismarck (la ville de Virgil Hill), on sentait l’inexpérience à travers son déroulement dans l’expression d’un talent brut qui n’avait pas eu le temps de se perfectionner.
Emébé n’avait pas eu le temps de s’acclimater ou au moins de s’accomoder avec les arcanes de la boxe de haut niveau, faute de préparation suffisante.
Ndeko na ngaï,
On sent la patte de l’amateur de boxe dans ton propos.
Tu apportes des éléments dont j’ignorais jusqu’à ce jour l’existence et non seulement je te remercie, mais en plus je te dis chapeau Bakwa!
Je ne sais pas si ça a changé mais je trouve les méthodes utilisées par les Américains assez pitoyables!!!
@+, O.G.