Chez Iboundou, on ne démissionne pas et le président ne vire personne
Je ne vous ai jamais parlé de mon frère Iboundou. Il vit loin du lieu où je tape ces lignes au quotidien. Comme l‘écrasante majorité de mes frères et sœurs. Il m’a passé un coup de fil hier pour faire état de ses sentiments assez divers, il faut bien le dire. J’ai eu droit à de l’indignation, de la stupeur, de la colère etc.
Il était fatiguant, le frangin Iboundou. J’avais beau lui dire que j’étais assez occupé et je ne cessais de lui demander de me rappeler plus tard, dans la nuit ou de m’envoyer un sms, rien n’y fit. Il ne voulait rien entendre. Il était remonté comme une armée de coucou, chaud comme la braise que l’on trouvait naguère à Poto-Poto, quand les Ouest-Africains faisaient encore de très bonnes grillades. Ce qui l’a mis dans un tel état ? C’était d’apprendre que le ministre français, Jérôme Cahuzac venait de démissionner. Il était chargé du Budget et était, sans conteste, le meilleur orateur du gouvernement français et quand il prenait la parole dans l’Hémicycle, cela changeait de certains élus et nommés dont on est en droit de se demander s’ils sont réellement français tant leur niveau de connaissance de la langue française laisse plus qu’à désirer.
Le temps de me rendre compte que je ne pouvais le faire taire, je lui demandais en quoi cela le concernait que Cahuzac démissionne ou soit démis de ses fonctions ? Je lui rappelais qu’il avait bien autre chose à penser quand même, au lieu de cette affaire qui ne le regardait ni de près ni de loin. Et lui de me répondre, Mais tous les jours tu dis que le pays est une province, un département ou une région françaises. Donc, si un ministre français démissionne, je ne peux que me sentir concerné. Sur le coup, je lui ai donné raison et je n’ai pas eu le courage de raccrocher.
Il a enchaîné en me rappelant qu’il ne comprenait pas pourquoi, là où il est, un ministre peut rester en place quand un scandale est avéré, des semaines, des mois, des années durant. Je lui ai demandé de me citer des cas car concentré sur ce que je faisais, mon esprit n’était pas du tout vif. Il m’a rappelé l’histoire d’une dame, devenue une vedette malgré elle car on l’avait attrapé plus d’une fois, dans une capitale occidentale, avec des valises ou des malles ou encore des sacs, pleins de billets d’€. Sachant que sa source de revenus ne lui permet pas de posséder autant d’argent en une seule fois (d’ailleurs, là-bas, personne ne peut avoir autant d’argent, c’est impossible, cette contrée étant championne du monde incontestée de quémander des aides à l’Occident). Pourquoi, mais pourquoi Hollande ne vire pas notre ministre, hein, tu peux me dire ? J’ai essayé de lui faire comprendre que dans son anaphore, face à Nicolas Sarkazoy, il avait dit une phrase dont personne ne se souvient, Moi président de la République, je n’interviendrai jamais dans la composition des gouvernements d’Outre-mer. Le frère Iboundou de me dire, Ah ! ouais, j’avais oublié. Tu as raison.
Oui, il faut rappeler qu’en Outre-mer de chez nous, les gens suivent avec attention les télévisions françaises car on y dit toujours la vérité et que les informations ne peuvent qu’y être vraies. Si elles ne sont pas vraies, elles ne peuvent pas être fausses. C’est pour cela que tout le monde là-bas, regarde France2, France3, France4, France5, France6, .., France1789, etc.
Ensuite, il a envoyé une flopée de mots qui m’ont causé des maux de crâne : il voulait savoir pourquoi Cahuzac avait démissionné. Je lui ai dit qu’il ferait mieux de conserver son crédit que de le griller avec ce genre de sujets. Il a insisté en me disant qu’il ne comprenait rien car un journaliste de la Métropole avait tenu à insister que rien n’était reproché à Cahuzac et que, jusqu’à preuve du contraire, il était innocent de tout et même de son contraire : Pourquoi un homme innocent démissionne alors qu’ici, des mecs dont tout le monde sait qu’ils gagnent 200.000 francs CFA (environ 304€)/mois ont dix ou vingt villas et qu’il n’y a jamais le moindre juge qui enquête sur eux. Pourquoi Hollande est tant méchant avec Cahuzac et nous laisse ainsi dans la merde ? Je lui ai dit qu’il y avait en France le principe de la continuité de l’État et que même si le papa de Bokassa premier, De Gaulle, était encore aux affaires, il ne mettrait aucun ministre ou fonctionnaire d’Outre-mer en prison.
Guère convaincu par ma réponse, il tenait à savoir POURQUOI Cahuzac démissionnait puisque d’après les journalistes, il est innocent. Je lui ai dit que je me foutais un peu de cela et que j’avais vraiment plein de soucis, à mes yeux plus importants, que de chercher à m’intéresser aux emmerdes de Cahuzac. Avant qu’il ne réagisse, je lui ai rappelé que Gbagbo est déporté à La Haye, à ce jour encore. Il me répondra, Tant pis pour lui. Quand il a pris le pouvoir, que n’avait-il pas fait fermer les ambassades des Occidentaux ? Il avait écrit sur la Conférence de Brazzaville (1944), donc, il connaissait ses ennemis, il n’a aucune excuse*. J’ai enchaîné en lui disant que lui, le catholique pratiquant avait un nouveau pape et que ce dernier avait demandé à prier pour lui. À ma grande surprise, il me dira qu’il était fatigué des papes, de la papauté et des paperasseries. Diantre ! me suis-je dit… Iboundou aurait-il perdu la foi ? Non, me dira-t-il. Il m’a dit qu’il a intégré une église du réveil et donc… J’ai failli faire une crise d’apoplexie en entendant cela.
Malin comme il est, il a profité de ce très petit moment de silence de ma part pour revenir sur le sujet en me demandant si je me souvenais de ce jardinier torturé à mort dans un quartier d’une grande cité coloniale au cœur de l’Afrique car il était accusé d’avoir piqué les sous de son patron. Je voyais où il voulait en venir et je l’ai interrompu : Ce ne sont pas les affaires de la France, ça. « Lui, président de la République, il n’enverra pas les juges faire arrêter les assassins de jardinier dans les colonies françaises d’Afrique. » Donc, nous ne pouvons pas compter sur lui pour qu’il améliore nos conditions de vie, alors ? Là, je lui ai dit, Mais si. Il pense à vous tous les jours car il garde votre argent au Trésor public français et décide de la politique monétaire. Je suis sûr que son nouveau ministre du Budget, Cazeneuve, prendra bien soin de cet argent. Tu peux dormir tranquille. Allo ! Allo ! Allo ? Son crédit de communication était épuisé et curieusement, j’avais encore envie de lui parler…
Obambé GAKOSSO, March 2013©
———————————————————————————————
* : J’ai omis de vous dire que le frère Iboundou est diplômé du supérieur et qu’il e cultive au quotidien, même s’il regarde tous les jours les TV de la Métropole
« Mais tous les jours tu dis que le pays est une province, un département ou une région françaises. »
Ah bon Obambé tu le dis sérieusement et sans rire ?
Chronique d’un appel téléphonique, çà se lit comme une fiction, avec au coin de la bouche un rictus de désolation, nom d’une pipe sommes nous réellement en 2013 ?
Bonne journée
Grace,
Non seulement je le dis tous les jours, mais en plus, je l’écris de temps temps (en fait souvent)…
Fiction? Waouh! Merci.
Oui, il paraît que nous sommes en 2013…
@+, O.G.
Comme dirait ma cousine de baks city » é bouin, çà t’apprendra… » Rires ! Si tu le dis toi même et plusieurs fois alors de quoi tu te plains, que quelqu’un gaspille son forfait non pas pour me contez fleurette pour parler d’un type qui n’en a rien à faire de son sort ?
Plus sérieusement, bien sûr que çà se lit comme une fiction un peu grinçante à la FCZ (j’ai adoré son recueil l’homme dit fou….)
P.S : j’ai lu tes réponses à mes autres commentaires sur les articles suivants, mais mon temps imparti à l’exercice est terminé alors à plus…
Grace,
Merci d’être passée.
C’est ta maison, reviens-y quand tu veux.
@+, O.G.