Epurebere, adi ibo ya ndziya yo: le blog d'Obambé Mboundze Ngakosso

Kemet (l'Afrique), les Kamit (les Africains), leurs relations avec le reste du monde, les essais qui me frappent, etc., voilà les sujets de cet espace

1 mars 2013

Jeudi 28/02/2013, le déporté Koudou Gbagbo a parlé

Classé dans : Côte d'Ivoire — Obambé Mboundze GAKOSSO @ 13 h 28 min

Hier soir, jeudi 28 février 2013, le temps s’est arrêté. L’attention du monde était focalisée sur La Haye, troisième ville des Pays-Bas, ce plat pays dont on ne parle jamais hors de l’Europe, sauf peut-être pour parler de ses footballeurs de grand talent.

Jeudi 28/02/2013, le déporté Koudou Gbagbo a parlé dans Côte d'Ivoire lgg-150x150Des chefs d’État africains ont, dit-on, fait une réunion hier. Je ne serais même pas capable de vous dire où elle a eu lieu et ce qui y a été dit. Les Africains hier, se sont royalement foutus de leurs monarques qui blablataient, préférant se concentrer sur l’apparition publique avec parole à l’appui de celui qui est en passe de devenir une icône pour une partie de la jeunesse africaine.

Le déporté le plus célèbre du monde, Laurent Koudou Gbagbo, arraché dans son palais présidentiel par une partie de l’armée française (tandis qu’une autre prenait le cacao au port d’Abidjan) puis déporté à La Haye a parlé. Il n’a pas beaucoup parlé mais il a dit l’essentiel que nous avons retranscrit dans son intégralité, avec difficulté car hier les serveurs ne cessaient d’exploser tant il y avait du monde sur le réseau. L’homme est en forme. Ça promet pour la suite. Bonne lecture !

Obambé GAKOSSO, March 2013©


Madame la présidente 
Madame, Messieurs les juges 

J’ai suivi ce débat, j’ai entendu beaucoup de choses. Certaines fois je me suis retrouvé en Côte d’Ivoire mais d’autres fois je m’en suis trouve tellement éloigné. D’autres fois je m’en suis trouvé tellement éloigné tellement les questions qu’on posait étaient loin de ce que nous avons vécu. Et je me suis dit : « Pourquoi dans la justice moderne y a-t-il des camps retranchés ?». Parce que sur beaucoup de questions, aussi bien l’accusation que la représentante des victimes, que vous-mêmes vous auriez pu m’appeler, j’aurais pu donner des informations. Ne serait-ce que des informations que vous auriez pu vérifier après, mais pour fluidifier le raisonnement.

J’aurais pu dire beaucoup de choses sur des petites questions par exemple quand on dit « Il a signé un papier pour déployer l’armée « . Jamais ! J’ai signé un décret pour que toutes les FDS soient mobilisées, mais c’est une pratique qui date de 1961, qui date de l’époque où l’armée a été créée. Le Chef de l’État peut en cas de troubles signer un décret. Parce que la police c’est la police. Ensuite il y a la gendarmerie. Mais si ces deux forces sont totalement submergées, elles peuvent appeler l’armée en renfort. Et donc pour ça, le Président de la République signe un décret qu’il donne aux différents chefs. C’est à eux d’utiliser l’armée ou de ne pas l’utiliser ça dépend de ce qu’ils pensent de la situation. Donc c’est des choses comme ça, pratiques et petites, qu’on aurait pu expliquer. Quand le chef des FDS est venu me dire « la situation à Abobo il y a les soldats d’IB, je pense que c’est eux le commando invisible donc on ne sait pas comment ça va aller », je dis qu’est ce qu’on fait ? Il dit bon « signez toujours un décret et puis on va garder ça et si on en a pas besoin on en a pas besoin et si on en a besoin… ». Donc il y a plein de choses comme ça.

Et puis il ne faut pas me donner des parents que je n’ai pas. Je crois qu’on veut faire comme souvent on le dit en Europe  » les Africains c’est comme cela qu’ils gouvernent ». Je ne gouverne pas avec ma famille. Moi je suis chef de l’État, président de la République, ma femme elle, est députée et Kadet n’est pas mon neveu. Le mot « neveu » est un mot français. J’ai des neveux ici qui sont dans cette salle. Mais Kadet n’est pas mon neveu. Il a été ministre de la Défense, ministre délégué à la Défense. Il était mon conseiller. Sinon je ne gouverne pas avec ma famille. Peut être que ça se fait ailleurs en Afrique mais pas en Côte d’Ivoire au temps de Gbagbo. C’est à dire qu’il y a de petites choses comme cela qu’on aurait pu éviter. Ça alourdit pour rien l’atmosphère et ça nous empêche d’aller immédiatement au fond du problème.

Madame la Présidente,
Toute ma vie , et ça se sait non seulement en Côte d’Ivoire mais dans toute l’Afrique et dans toute la France politique, j’ai lutté pour la démocratie. 

J’ai demandé à mes avocats la semaine dernière, je leur ai dit que je vais vous amener tous les livres que j’ai écrits sur mon parcours. Ils ont dit que c’était trop tard pour introduire ces livres là. Mais quand on aura tout fini, quel que soit le résultat, quel que soit ce que vous déciderez, j’enverrai un lot des livres de Gbagbo au bureau du procureur. Je vous enverrai un lot des livres de Gbagbo. Parce qu’en fait c’est ça l’Homme. Il marche, il marche mais il laisse des traces sur le chemin qu’il parcourt. Comme ça on peut le retrouver.

J’ai lutté pour la démocratie et c’était au moment ou nous ne savions même pas si le mur de Berlin allait s’écrouler. Nous ne savions pas ça. Donc on luttait avec un courage mais on était convaincu que nous-mêmes on n’allait pas voir la démocratie triompher. Et le mur de Berlin s’est écroulé. Et il nous a aide à gagner la victoire du multipartisme et de la démocratie.

Madame c’est pourquoi je voudrais simplement dire et je ne vais pas aller plus loin, je voulais seulement dire, Madame la procureure puisque ça existe maintenant en Français on met un « e » à la fin. Madame la procureure a dit une phrase qui m’a un peu choqué en disant que nous ne sommes pas là pour voir qui a gagné les élections et qui ne les a pas gagnées. 

Mais on ne peut pas parler, on ne peut pas débattre de la crise postélectorale sans savoir comment les élections se sont passées ? Qui a gagné les élections ? Parce que c’est celui qui ne les a pas gagnées qui a semé les troubles. Je crois que c’est ça la logique. Donc la question est là. Qui a gagné les élections ? Et donc quand je demandais qu’on recompte les voix ce n’était pas une phrase en l’air. Vous avez vu vous-mêmes les documents dont dispose l’accusation et sur lesquels les voix des électeurs sont répertoriées. On a vu que dans la seule ville de Bouake on a ajoute cent (100) mille voix à mon adversaire. Donc Madame c’est ça le fond de la question. C’est ça le fond de la question.

Ils nous ont attaqués en 2002, j’ai fait mon travail. C’est à dire que je n’ai jamais cru que la Côte d’Ivoire allait s’en sortir par la guerre. J’ai jamais cru ça .J’ai toujours cru qu’on s’en sortirait par la discussion. Même si je sais qu’ils ont tort. Mais pour s’en sortir j’ai toujours cru à la discussion. Alors j’ai parcouru toute l’Afrique. On a fait les négociations de Lomé. Ils ont fait les négociations de Marcoussis et de Kleber mais ça je laisse de côté. Nous avons fait les négociations d’Accra I, Accra II, Accra III sous la présidence de John Kufuor. Nous avons fait les négociations à partir de juin 2005 de Pretoria I et de Pretoria II sous la présidence de Thabo MBeki. Nous avons tout fait. Nous avons tout fait pour que la discussion avance. C’est à Pretoria que j’ai demandé à Thabo Mbeki de m’aider à trouver une solution légale pour qu’Alassane soit candidat. Parce que ça empoisonne la situation. C’est à Pretoria en 2005. Nous nous sommes retrouvés Thabo Mbeki, Konan Bédié, Ouattara et moi-même. J’ai demandé à Ouattara de faire la traduction entre Thabo Mbeki et moi. C’est là que je leur ai dit que ça ne me gênait pas que Ouattara soit candidat. Mais comme mon électorat est là donc il faut que Thabo Mbeki nous écrive nous tous à Abidjan pour qu’après je puisse prendre une décision. Je n’aimais pas l’article 48 de la Constitution, c’est comme l’article 16 de la Constitution Française. Ça donne énormément de pouvoirs. Mais ce jour la j’ai pris l’article 48 de la constitution et j’ai permis à Ouattara et à Konan Bédié d’être candidats.

Donc Madame voila ce que je voulais vous dire.

Nos pays, nos États et ce sera mon dernier point, sont fragiles. Nos États sont fragiles. Et chaque fois qu’un chef d’État européen ou occidental me disait faites la démocratie en Afrique, je lui disais nous avons besoin de la démocratie non pas parce que vous le dites mais parce que nous-mêmes nous en avons effectivement besoin pour construire nos États.

Madame regardez la Côte d’Ivoire, 

Si nous n’employons pas la démocratie comment nous allons choisir le Chef de l’État ? Il y a à l’Est, adossés à la frontière ghanéenne les Akans qui ont un mode à eux pour choisir leurs chefs de villages ou de cantons ou leur Roi. Nous avons à l’Ouest un pouvoir éparpillé. Nous avons au Nord les Malinkés islamisés qui se regroupent autour des mosquées et à côté d’eux les Senoufos qui se retrouvent dans les bois sacrés.
Quel mode électoral allons-nous prendre ? Donc la démocratie nous aide. Parce qu’elle fait table rase sur tout cela et elle donne à chaque individu considéré comme citoyen une voix. C’est pourquoi je me suis engagé dans la lutte pour la démocratie. Et puis nous qui venons de familles très modestes, s’il n’y avait pas la démocratie jamais on aurait eu des postes élevés. Moi les gens avec qui j’ai été à l’école quand j’ai été élu Président ils n’étaient pas étonnés parce qu’ils savaient mon engagement mais ils sont venus me saluer et saluer mon courage parce que je n’étais pas le plus aidé, hein. Je n’étais pas le plus intelligent, je n’étais pas le plus riche.

Donc nous avons besoin de la démocratie Madame.

Mais la Démocratie ce n’est pas seulement le vote. C’est qui dit le vote, qui dit le résultat du vote. C’est ça aussi la Démocratie.
Quand on s’en va prendre une nuit le président du groupement électorale et qu’on l’emmène dans le QG électoral d’un candidat et qu’on invite une télévision étrangère et on lui dit de parler, on le filme et on diffuse des le lendemain matin ce n’est pas très démocratique ça. Ce n’est pas la Démocratie. La Démocratie c’est le respect des textes à commencer par la plus grande des normes en droit qui est la Constitution. Qui ne respecte pas la Constitution n’est pas démocrate.

Madame, c’est parce que j’ai respecté la Constitution qu’on veut m’emmener ici. Alors, bon, je suis là mais je compte sur vous. Je compte sur vous parce que je souhaite que tous les Africains qui me soutiennent et qui sont ici tout le temps devant la cour, devant la prison, qui sont dans leur pays entrain de manifester, entrain de marcher, tous ces Africains-là qu’ils comprennent que le salut des États africains c’est le respect des constitutions que nous nous donnons et des lois qui en découlent .

Je vous remercie Madame.

Laurent GBAGBO, CPI-Audience des confirmations ou non des charges, Jeudi 28 Février 2013.

 

 

 

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