Des militaires français à Niamey: la Françafrique est en effet morte…
Le 18/12/1958, le Niger proclamait sa République. Officiellement colonie française depuis 1922, ce grand pays (1.267.000 kilomètres carrés) est sur le chemin de la liberté. Djibo Bakary (1922-1998) est le leader incontesté. Progressiste convaincu, il a le soutien des Kwame Nkrumah et Ahmed Sékou Touré notamment. Comme de coutume, ce n’est pas du goût de la France qui dit qu’elle s’en va mais en réalité continue à manigancer.
L’adversaire de Bakary est un certain Hamani Diori (1916-1989), son propre… cousin. La France sait que ses colonies sont très riches et que le mouvement de décolonisation est irréversible. Sans les richesses de ses colonies, la France sera perdue. Ce n’est qu’une question de décennies et nous savons très bien que même 100 ans, ce n’est rien à l’échelle d’un pays. Il faut un homme de paille. Et Diori jouera parfaitement ce rôle, combattant son cousin au Parlement. Diori se fait « élire » le 11/11/1960 président de la République, par un Parlement monocolore, 3 mois après l’accession du pays à la souveraineté internationale (03/08/1960).
270 militaires français stationnent au Camp Leclerc** de Niamey. Diori est entouré de « conseillers » et de divers « techniciens français »***, aussi bien des militaires que des civils. Ils ont leurs nez dans tous les dossiers stratégiques du pays. Quand Diori commence à montrer des signes d’émancipation vis-à-vis de Paris, la machine à putsch se met en route. Encore une fois en Françafrique. Le plus cocasse est que Diori fut un serviteur zélé de ce système, lui à qui on attribue la paternité de la francophonie avec son aîné Félix Houphouët-Boigny de la Côte d’Ivoire. La goutte d’eau qui fait déborder le vase sera les difficiles négociations sur la question de l’uranium. Paris ne veut pas entendre que Niamey exige que son uranium lui rapporte plus. Pour Paris, l’uranium du Niger n’est pas Nigérien, mais il est Français. Point ! Seyni Kountché (1931-1987), chef d’État-major, ancien de la coloniale fait son putsch le 15/04/1974. Diori est mis en résidence surveillée et son épouse, Aïchatou, est assassinée lors de l’assaut du palais présidentiel.
L’uranium. On parle de malédiction du pétrole pour des pays comme le Congo et le Gabon. Au Niger, c’est l’uranium qui donne le la de la vie politique. C’est lui qui fait les agendas. Je n’ai pas à être tendre avec l’ex-président du Niger (1999-2010) Mamadou Tandja (1938-). Brillant élu et réélu, il a cherché à s’accrocher au pouvoir en foulant aux pieds la Constitution du Niger. Mais nous devons aussi avoir à l’esprit que sa chute est également liée à la question de l’uranium. Tandja regardait un peu trop vers la Chine…
Et aujourd’hui, la France officielle qui dit qu’elle n’a pas d’intérêts en Afrique ; qui dit que l’Afrique ne lui rapporte rien, bien au contraire ! qui dit qu’elle doit repenser son armée, cette même France officielle a décider d’envoyer ses Forces spéciales au… Niger pour sécuriser son uranium. Pourquoi ? Officiellement (c’est important) la menace terroriste est trop forte et comme on sait que la France se mettra plus à genoux encore sans l’uranium du Niger… Encore une confirmation que la France est chez elle à Niamey, à Dakar, à Libreville etc. Et ce n’est pas demain la veille que cet ordre prendra fin car ce sera le glas de la France qui sera ainsi sonné…
Il est évident que blâmer la France non seulement ne sert à rien, mais en plus, nous devrions concentrer nos forces et nos énergies vers nous-mêmes, vers nos dirigeants. Comment et pourquoi Mahamadou Issoufou (1952-)****, qui dit bénéficier de la légitimité issue des urnes, urnes remplies par son peuple, peut-il à ce point se faire vassaliser de plus belle ? En bientôt 53 ans, si le Niger n’a pas les moyens de mettre sur pieds une armée digne de ce nom, capable de défendre son territoire, il est plus que temps pour le Niger, pour le Mali etc. de penser à l’édification d’une armée panafricaine. On ne peut plus faire l’économie de cette réflexion.
Les Panafricanistes sont raillés tous les jours dès qu’ils l’ouvrent alors qu’en dehors de cette voie, nous ne voyons pas comment Kemet pourrait être sécurisé. Rares sont les pays au Sud du Sahara qui pourraient, seuls, se défendre en cas d’agression. Tous les jours, des exemples viennent confirmer cette thèse qui est devenue d’une banalité affligeante : Mali, RCA, RDC, Ouganda, Niger etc. Rien, il n’y a rien. Nos armées ne sont bonnes qu’à mater les grèves des étudiants et autres travailleurs à mains nues. Combien de soldats le Togo a-t-il envoyés au Mali ? 40 ! Si l’heure n’était grave, on en rirait à gorge déployée.
Au fait, le Niger n’a-t-il pas envoyé des soldats au Mali, pour se battre ?
Obambé GAKOSSO, February 2013©
—————————————————————————————-
* : Pour ceux qui me traitent de tous les noms dès que j’évoque les rapports entre la France et l’Afrique, pour info, après la « victoire » de Diori en 1956, la France interdira tous les partis politiques, sauf un, celui de… Diori (le PPN-RDA, Parti progressiste nigérien)
** : Vraiment, nous les Africains… !
*** : On doit se soigner, ce n’est pas possible autrement !
**** : Les choses semblent bouger du côté de Niamey avec cet uranium. On y reviendra