Décryptage du discours du chef de l’État
Obambé a fingi lisusu Sassou ?* J’imagine que c’est comme cela que certains Mbosi vont encore interpréter mon billet de ce 01/01/2013, le tout premier donc de l’an nouveau. Ce qui aura encore une fois le don de me faire rire : oui, il faut rire de nos malheurs, même devant certaines bêtises. Le billet de ce jour est donc consacré au discours** de fin d’année du chef de l’État congolais, Denis Sassou Nguesso, prononcé hier soir et retransmis comme de coutume en direct à la TV nationale. Si vous l’avez loupé, vous pourrez toujours vous rattraper en suivant les 1001 rediffusions qui ne manqueront pas.
C’est une tradition dont j’ignore les origines. Nos ancêtres adressaient-ils un message à leur peuple le dernier jour de l’an ? Je n’en sais rien. Il est vrai que les Hommes politiques guettent souvent ce moment, surtout quand ils ne sont pas du bord politique de celui qui prononce le discours, pour apporter leurs analyses, leurs avis et pourquoi, leurs propositions, quand il y en a à formuler, bien évidemment.
Le président a commencé par dire que 2012 aura été (…) une année pénible. J’ai vraiment envie de lui dire même s’il n’y avait pas eu ces catastrophes qu’il cite ensuite***, l’année aurait quand même été pénible pour l’écrasante majorité des populations locales. Je ne vais pas vous fatiguer aujourd’hui à vous lister encore une fois les conditions ans lesquelles les Congolais triment comme il n’est pas permis, au quotidien, depuis des années, sans la moindre lueur d’espoir.
Avant de nous dire ce qu’il a trouvé bon en 2012, il a rappelé que Le gouvernement continuera d’assumer toutes ses responsabilités. Soit. On veut bien même si on y croit autant qu’à un agent de banque qui vous dit que tous les produits qu’il vous vend sont pour votre bien. Mais à aucun moment le président ne reconnaît une quelconque part de responsabilité, personnelle ou collective de l’Exécutif, dans tout ce qui est arrivé. C’est la faute de la nature, que peut-on y faire ? Les musulmans disent, Mektub ! Une façon de dire C’est le destin. Et quand en effet c’est le destin, la raison n’a plus lieu d’être. Le surnaturel et la fatalité reprennent du service et la vie continue.
Dans la belle nasse 2012, Monsieur dit notamment La bonne orientation prise par notre économie soutenue par la mise en place progressive des infrastructures de base ainsi qu’une dynamique prometteuse de sa diversification. Je me retiens de ne pas rigoler car je me demande si le ou les conseillers ayant rédigé ce texte ont vraiment réfléchi aux mots employés et surtout si eux-mêmes y croient !!! Dans les années 80 déjà, on nous promettait de sortir le Congo de l’après-pétrole. Nous ne voyions rien venir et trente ans après, on ne voit toujours rien à l’horizon. Enlevons le pétrole et le bois au Congo, et le PIB du pays va se réduire comme peau de chagrin. L’économie congolaise demeure et pour longtemps encore rentière. Nous ne sommes pas sortis de la logique coloniale qui veut que tout soit exporté et rien transformé localement.
Voilà que Monsieur le président nous parle encore de la régularité du paiement des salaires (point positif 3, pour lui) et il appelle cela le Desserement de l’étau social. Là aussi, j’ai envie de pleurer. Je l’ai déjà dit ici et je le redirai sans cesse : quel est cet homme digne de ce nom, qui peut se lever dans la rue et dire Je nourris mes enfants. Je nourris ma femme ? Il faut encore rappeler que le paiement des traitements (et non pas salaires) des fonctionnaires, fait partie des missions régaliennes de l’État et qu’il n’y a aucune gloire à en tirer car ce n’est que le fonctionnement normal d’un État. Quand on se met à dire cela, c’est qu’on n’a vraiment, mais vraiment rien à proposer au peuple.
Le point positif 1 est pour lui, Le déroulement dans la paix et la transparence des dernières élections législatives. Je ne commente même pas tant c’est…
Je ne serai pas long pour ce 01/01/2013 et je m’arrêterai pour ce qui sera considéré comme la mesure phare de ce 31/12/2012 : le SMIG (Salaire minimum garanti) sera désormais de 90.000 XAF/mois. On ne sait pas si ce sera du brut ou du Net, mais entre nous, en toute sincérité : de qui se moque-t-on ? Qui peut décemment vivre dans nos deux plus grandes villes (Ndjindji et Mfoa) avec 90.000 XAF/mois ? Le chef de l’État sait-il combien il faut payer au minimum pour louer un studio ? Combien coûte un poisson d’eau douce sur un marché local, combien même ce poisson est issu de nos propres yeux ? J’ai personnellement failli hurler en demandant le prix d’un libongo**** au marché d’Oyo : 7.500 XAF !!! Et une maman de me dire Mon fils, quand le président débarque ici avec son monde, ce poisson coûte 12.000 XAF… 90.000 Francs CFA/mois ? Mon œil…
Obambé GAKOSSO, January 2013©
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* : Obambé a encore insulté Sassou ?
** : Le discours complet ici.
*** : Le 04/03/2012 ; inondations meurtrières ; grandes tempêtes et crash du 30/11/2012.
**** : Poisson d’eau douce ressemblant au silure, mais de meilleure qualité.