Procès Firmin Mahé à Paris, une autre arnaque?
Quand j’avais appris que suite à l’assassinat du pauvre Firmin Mahé, citoyen ivoirien, mari et père de famille (tué par des soldats français en 2005) devait avoir lieu en France, je m’étais dit C’est foutu ! Les dés étaient pipés dès le départ. Un homme est tué en territoire africain, il est lui-même Africain, mais le procès va avoir lieu en Europe. Allez-y comprendre !!!
Le déroulement dudit procès a confirmé mes craintes et appréhensions : j’ai appris la semaine passée que des témoins étaient restés bloquées à Abidjan car ils n’avaient pas encore eu leurs visas. Pendant ce temps, le procès lui, avait bel et bien commencé. Dur travail pour Me Fabien Ndoumou, avocat de la partie civile… Je ne sais pas ce que ça va donner comme résultats, mais franchement, il est plus que temps que les Africains travaillent aussi sur le plan judiciaire afin que ce genre d’anachronismes cesse. Vraiment ! Cela ne nous grandit aucunement, mais vraiment en rien.
Il faut rappeler le contexte. En 1960 quand, André Malraux et d’autres officiels français se baladent de janvier à décembre sur notre continent pour proclamer nos indépendances et que nos aînés dansaient, chantaient, criaient de joie avec sur les bords du fleuve Congo, Indépendance tcha-tcha du regretté Roger Izedy, les dés étaient déjà pipés. Les Africains dits francophones* se font avoir une nouvelle. Une nouvelle fois avec la complicité de leurs représentants (présidents, ministres, députés etc.) qui acceptent des conditions incroyables qui font que finalement les indépendances n’en sont pas :
- Bases militaires françaises ;
- Monnaie (franc CFA) tenue, gérée etc. par Paris ;
- Diplomatie gérée dans un premier temps par la France ;
- …
En prenant le premier point (armées), il faut dire que nos premiers chefs d’état-major étaient tous… Français ! La Côte d’Ivoire de Félix Houphouët-Boigny (FHB) avait accepté de garder une base militaire française. D’ailleurs, il est de notoriété publique que FHB avait plus confiance en la France, sa mère patrie, plutôt que dans ses compatriotes africains. Son successeur désigné (Henri Konan Bédié) ne remettra jamais la chose en cause. Ni Robert Gueï qui virera le précédent à Noël 1999. Arrivé par les urnes en 2000, Laurent Koudou Gbagbo subira cette armée jusqu’au jour où elle ira l’arracher comme un vulgaire bandit dans son palais présidentiel.
Voilà où cela nous conduit quand on s’accommode d’une armée d’occupation, pensant qu’elle servira nos peuples, alors que les missions qui lui sont assignées sont claires, depuis l’irruption des envoyés européens sur notre continent : ces militaires sont là pour servir les intérêts de leurs pays et non pas pour les nôtres. Il faudra bien qu’on se le dise une bonne fois pour toutes et cesser ces humiliations sans cesse répétitives que nous vivons. En 1973, le jeune (il avait à peine 37 ans) ministre des Affaires étrangères de Madagascar, Didier Ratsiraka gérait avec brio le dossier de fermeture de la base militaire française de Diégo Suarez : les militaires français plient bagage et ne reviendront jamais.
Il avait fallu de l’audace, du cran aux dirigeants malgaches. Et même si la fin de la carrière politique de Ratsiraka n’a pas été des plus glorieuses, les Africains ne devraient jamais oublié ce qu’il a fait pour son pays sur ce plan, pour son continent aussi : avec lui, ceux qui ont tiré sur le pauvre Mahé n’auraient jamais été jugés en France, loin de sa famille, mais bien en Afrique !
Obambé GAKOSSO, December 2012©
* : Il faut sans cesse se souvenir que les décolonisations britannique et française, en termes de « signatures » se sont déroulées de façon très différente.