Mali: Le Drian et Fabius « responsabilisent les Africains »
Souvenons-nous de ce fameux 14 juillet 2010 lorsque des armées dites africaines défilèrent sur les Champs Elysées, à Paris, devant certains de nos princes et Nicolas Sarkozy, alors président de la République française. C’était assez inédit. De mémoire d’homme, je doute qu’on ait déjà eu à assister à ce genre de pratiques.
Il y au les empires coloniaux britannique, espagnol et portugais aussi. Mais ni la Grande Bretagne, ni l’Espagne, ni le Portugal, depuis la mort de leurs empires n’ont réussi l’exploit de convoquer ainsi les soldats du Brésil, de l’Argentine etc. à Lisboa, London ou encore Madrid. Ce serait même impensable, à mon avis. Mais il n’y a que nous, Africains, pour faire des choses pareilles et encourager ainsi la survie de cette Françafric si chère à Félix Houphouët-Boigny et Jacques Foccart. Ces deux hommes sont décédés mais leur enfant se porte très bien et les discours de Nicolas Sarkozy ainsi que de François Hollande (Dakar, tous les deux), n’y changeront quoi que ce soit.
Une des preuves est apportée, encore une fois, au quotidien, avec la crise malienne où depuis plusieurs mois, ce pays est coupé en 2, avec les deux-tiers environ du territoire occupés par des bandits qui sèment la terreur tous les jours en coupant des mains (entre autres). Tout vient de Paris. Quand Paris, il passe le relais à l’ONU. Ou bien à la CEDEAO. Voilà comment se gère cette crise. Les autorités maliennes sont quasiment hors-jeu. Out. Elles n’existent réellement pas. Quant à la CEDEAO, elle nous confirme qu’elle est une des organisations qui porte bien le nom de coquille vide : elle ne sert à rien du tout. Elle a organisé des dizaines de réunions pour prétendument aider le Mali à avancer. En vain.
À celles et ceux qui en douteraient encore, la lecture de l’hebdomadaire français Paris Match (du 08 au 14/11/2012). Elle fait mal mais c’est une énième confirmation. En page 108, on lit : Laurent Fabius et Jean-Yves Le Drian ont multiplié les déplacements pour “responsabiliser les Africains et obtenir le soutien des Européens” dit-on au ministère de la Défense. Pas besoin d’être agrégé de langue française ou de faire une exégèse de cette lecture pour comprendre encore une fois les enjeux. Ce sont le palais présidentiel français, les ministres des Affaires étrangères (Fabius) et des Armées (Le Drian) qui mènent la baguette. S’il leur prenait l’envie d’aller passer quelques semaines de vacances à Tahiti et à Bora Bora, tout le monde verra qu’il n’y aura plus du tout de réunions de la CEDEAO. On attendra que les Bwana rentrent de leur villégiature.
Les Armées africaines en général, et des pays CFA en particulier sont un vrai problème. On se demande si elles existent et surtout à quoi elles servent. Et quand certains pensent qu’un militaire à la tête d’un pays bâtira forcément une armée forte, c’est encore un leurre. Amadou Toumani Touré (ATT), militaire, général de surcroît, a dirigé ce pays des années durant sans mettre sur pieds une véritable armée. Les militaires maliens qui ont fait le putsch du 22 mars 2012 le lui ont dit et l’ont dit à face du monde : ATT avait abandonné les officiers qui tenaient le front du Nord.
On aura beau tourner et retourner la chose comme l’on veut, la réalité de nos pouvoirs ne se trouve ni à Bamako, ni à Dakar, ni à Mfoa ni à Libreville, pour les pays CFA : c’est à Paris et nulle part ailleurs. Si Paris le décidait, le Nord malien retrouverait la paix. Mais ATT n’a pas tout fait bien comme Paris le souhaitait, il a été puni avec ces bandits du Nord qui sont armés par qui l’on sait. Et Le Drian, et Fabius, et leurs collaborateurs sont là pour nous « responsabiliser » car à leurs yeux, et aux yeux du peuple africain, nos dirigeants sont irresponsables. Comment leur en vouloir car si nous étions réellement responsables, jamais nous n’aurions laissé nos pays ainsi avec des armées qui n’ont d’armées que le nom et avec des souverainetés bradées depuis longtemps à Paris.
Obambé GAKOSSO, November 2012©