Bwana* a dit qu’il ne veut plus passer pour un mendiant

Je ne sais pas combien de lecteurs de cet espace connaissent Stéphane Gatignon. Pas grand monde à mon avis. Si vous avez une carte du parti EELV (Europe écologie les verts) par contre, il y a quelques chances que vous ayez déjà entendu parler de cet homme qui paraît bien brave. Il est maire d’une commune importante de la région parisienne, Sevran, peuplée de 50.000 habitants.

Le problème de Gatignon c’est qu’il ne veut plus passer pour un mendiant. Les mots exacts sont « J’en ai marre d’être considéré comme un mendiant. » Les mots sont forts et quand on va creuser, on se rend compte que sa commune est une des plus pauvres de la région. Sevran se distingue aussi par un taux de délinquance élevé. Le budget de fonctionnement de Sevran est 35% moins élevé que les villes de même taille, du fait qu’il y a très peu d’entreprises installées dans cette commune. Pour celles et ceux qui croient que l’argent qui permet à une administration de vivre vient des dons de la Communauté internationale et de l’AFD (Agence française du développement), il n’en est rien : le fisc, les impôts, les taxes etc. Appelons ça comme on veut : voilà ce qui fait tourner les boutiques administratives.

Depuis 10 ans, cette commune se bat pour ne pas couler en empruntant ça et là, en mendiant par-ci par-là. Chaque système a ses limites car il y a des communes riches qui refusent dorénavant de prêter à Sevran. Les banques non plus ne veulent plus y prêter le moindre likuta. De toutes les façons, Gatignon en a marre de ce système et secoue le grand cocotier appelé l’État afin que ce dernier lui prête 5.000.000 €. Sinon, il jettera l’éponge !

Il faut le savoir, en France, une ville peut se retrouver en faillite et c’est le préfet ou le sous-préfet qui de facto en devient le gérant. Je ne vous dis pas à quel point c’est honteux et pathétique. Mais au Congo rive Droite, pays de la Nouvelle espérance et du Chemin d’avenir, ce sont des considérations qui n’ont pas lieu d’être. C’est dans l’ordre des choses, c’est devenu une norme depuis des années de montrer dans les JT du soir comme du midi des autorités locales recevoir toutes sortes de dons émanant de tous les coins d’Occident et d’Orient. C’en est même prestigieux. Même la presse papier favorable au régime en parle à longueurs de colonnes. Inutile de vous dire que ce genre d’indignations que je vous partage sur ce blog est totalement hors de propos à l’endroit des thuriféraires et profiteurs de ce régime. Le pays a beau avoir des budgets excédentaires chaque année, on tend la main vers l’ailleurs. On a beau dépensé des sommes folles dans des projets aussi aberrants qu’inutiles, appelés par exemple « municipalisation accélérée », on est heureux de montrer à la TV 5 ordinateurs issus de dons.

Feu Abel Goumba**, grand lutteur anticolonialiste des décennies durant a écrit dans ses mémoires cette phrase pourtant célèbre, La main qui donne est toujours au-dessus de celle qui reçoit. Quand c’est un Nègre qui dit cela, les Congolais ne l’écoutent pas. Vu que c’est Bwana Gatignon qui le dit, peut-être que nos dirigeants auront les oreilles qui vont siffler…

 

Obambé GAKOSSO, October 2012©

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* : Blanc, à l’époque coloniale, en swahili

** : Lire notamment ses 2 premiers tomes parus chez Ccinia Communication, Collection Sambela, Mémoires et Réflexions politiques du Resistant anti-colonial, démocrate et militant panafricaniste. avec  Théophile Obenga et Henda Diogène Senny,11 janvier 2007