Des passionnés, il en manque chez nous
Cherchez bien autour de vous, vous trouverez bien une ou un passionné. Peu importe le domaine : politique, sport, peinture, sculpture, céramique etc. Le billet de ce mercredi 24 octobre n’était pas celui-ci. Il y a bien autre chose que j’avais prévu et que je devais mettre en ligne, dès que j’aurais pu avoir une connexion. Mais un échange de ce soir m’a fait changer de fusil d’épaule et je me suis dit qu’il serait intéressant que la passion soit évoquée.
Kemet ne manque pas de passionnés et de passionnées. Peu importe le domaine. Nous en avons à foison. Regardez comment nos stades de sport sont pleins, malgré les coûts de la vie qui ne cessent de grimper en flèche. Regardez comment dans certains quartiers les bars et autres dancings ne manquent pas de monde, même quand le prix de l’alcool avoisine celui d’une grillade bon marché avec un ou trois morceaux de manioc.
Les passionnés et les passionnées qui nous manquent le plus cependant (car nous en manquons cruellement), c’est en politique. La politique, au sens propre du terme. La gestion de la cité (« polis » =) cité, en grec). La gestion de la chose publique.
Il y a des Hommes qui, lorsqu’ils sont nommés à des postes publics, de responsabilité, se mettent réellement au service du public. Même si l’on pense que chaque Homme a son prix, il y en a qui sont capables de passer des décennies comme administrateurs ou commis de l’État sans toucher le moindre matabiche*.
Ce soir donc, en échangeant avec un Frère, j’évoquais le cas d’un membre de ma famille qui, comme l’on dit si bien au Congo, « fait des affaires ». Ne me demandez pas quel type d’affaires il fait. Il en fait et il en vit. Voilà. Cependant, il m’a toujours été rapporté que peu importe ce qu’il peut gagner dans son business, il divise toujours en deux ses gains : une moitié pour lui et l’autre moitié pour son club de foot dont il est le président. Il achète pour ce club les équipements nécessaires : ballons, maillots etc. C’est un club qui évolue à un niveau très modeste (ne me demandez pas son nom, personne ne le connaît au Congo). Cela fait des années que cela dure et malgré tous les reproches qui lui sont faits, il vit ainsi.
Le Frère de son côté m’a rapporté le cas d’un membre de sa famille, passionné de handball qui, sous le cagnard que nous connaissons bien au pays, entre 12h et 14h, n’hésitait pas à prendre son sac et à aller s’entraîner avec ses compagnons de jeux, pratiquant leur sport favori. Il pouvait ne pas avoir de sous en poche pour son transport, il y allait tout de même. Il ressemblait à un OVNI dans un paysage où le foot a toujours été le sport roi et surtout sachant que le handball ne lui rapportait rien.
En discutant avec des Africains qui ne cessent de me poser des questions sur notre combat politique (« nous » = la Ligue panafricaine – Umoja), je leur cite souvent les cas des étudiants qui sont membres de notre association, qui paient leurs billets de train aller-retour pour assister à certaines de nos retrouvailles, qui paient leur repas dans les endroits où nous nous retrouvons, des étudiants qui ne sont ni fils et filles de millionnaires ni de milliardaires, qui ne demandent jamais de remboursements. Pourquoi ? me demande-t-on souvent. Je leur parler de la passion. La passion que nous avons pour notre continent. Pour la chose publique. Celle qui ne demande rien en retour. On sait que l’on ne travaille pas pour nous, mais sans doute pour la postérité. Pour, à notre très modeste niveau, que les choses changent dans le sens que nous souhaitons. Avec une Afrique de nouveau digne. Une Afrique qui ne courbe plus l’échine. Une Afrique qui décide par elle-même, pour elle-même.
Oui, de la passion et des passionnés, c’est ce qui manque le plus à notre continent. Elle est comme la foi : elle peut permettre de soulever des montagnes et rendre l’impossible tout simplement possible. Quand on est prêt à s’investir à s’investir sans rien attendre en retour, c’est un pas de géant d’effectuer.
Obambé GAKOSSO, October 2012©
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* : Pot de vin
Je dirais plutôt que nous n’avons pas assez de passionnés.
Mais quand on doit s’occuper de 10 ou 50 personnes en plus de soi-même, de sa femme et de ses enfants, on finit par mettre sa passion sous l’eau et on se tait ou on fait comme les autres.
Christian