Sankara, il y a 25 ans

Il y a des dates que l’on n’oublie jamais. Il y a des jours qui restent gravés dans nos mémoires. Ad vitam aeternam. Nous étions dans notre cour d’école en train de parler de lui. Lui, c’est Sankara. Il n’y avait que les larmes qui manquaient.

Oui, où étaient donc passées nos larmes ? Nous faisions part pendant la récréation de notre dépit, de notre dégoût, de notre rage de voir cet homme parti si tôt, alors qu’il représentait un immense espoir pour la jeunesse africaine. Encore un ! nous nous sommes dit. Encore un en effet que les armes à feu, fabriquées en Occident, vendues en Occident, achetées en partie par les nôtres, venait de faucher un fils d’Afrique.

Années après années, la mémoire de cet homme est encore présente dans nos esprits. Pourtant, il n’a dirigé le pays « que » 3 ans, 2 mois et 12 jours, le Burkina Faso dont il avait effacé le nom de Haute Volta (issue de la coloniale). Il y a des présidents comme lui que l’on n’oublie pas. Il y a des hommes de sa trempe que l’on peut oublier. Non pas qu’ils aient été des saints ou qu’ils aient atteint la perfection. Thomas Sankara a connu des ratés, des échecs, c’est une évidence. Sans doute aussi des fautes. De plus, il avait tellement confiance en sa garde, en ses hommes, en ses amis, qu’il se contenta d’une quinzaine de gardes pour protéger sa demeure.

Oui, il reste présent dans les esprits car sa tombe est un véritable lieu de pèlerinage. Il l’est toujours car on ne compte pas sur le continent le nombre d’associations qui portent son nom, qui se réclament de lui. Souvent, pour ne prendre que le cas du Congo, les fondations et associations de ce genre sont financées par des Hommes politiques qui se servent directement dans les caisses de l’État. Parfois ce sont les épouses de qui le font. Sankara lui n’a pas eu besoin de passer par cette case. Je me demande bien combien de fois il a du ordonner au Trésor public burkinabè de lui donner de l’argent…  Tout le monde sait que cet homme gagnait moins que son épouse Mariam : il ne touchait même pas la moitié de sa paie. Qui se souvient de l’avoir vu habillé autrement que dans son treillis ? Qui se souvient l’avoir vu parapher le moindre document avec un stylo de luxe ?

Si la justice burkinabè retarde chaque jour le procès de la vérité, dans 10 ans ou dans 100 ans, elle éclatera et même si les accusés ne sont plus de ce monde, à titre posthume ils seront jugés.

J’ai appris ce matin à la radio que des hommes politiques français, dits de gauche, réclament l’ouverture d’une enquête judiciaire sur le rôle éventuel qu’aurait joué l’État français dans l’assassinat de Sankara. Quant on sait que François Mitterrand (l’homme qui a ramené la gauche au pouvoir après 23 ans d’opposition) ne portait pas vraiment dans son cœur ce jeune homme qu’il trouvait impertinent, l’histoire a de ces ironies…

 

Obambé GAKOSSO, October 2012 ©