Un Américain à Paris

Me baladant un jour dans Paris, je tombe sur une manifestation d’Ivoiriens, défendant la souveraineté de leur pays. Depuis surtout la déportation du président Koudou Gbagbo à La Haye, ses manifs sont monnaie courante.

Et voilà qu’un homme s’arrête devant moi, me demandant si j’étais un ami de Gbagbo. Je lui dis Pourquoi pas ? En souriant, évidemment. Pour lui, c’est une bonne chose que Ouattara ait gagné les élections. Je lui demande sur quelles bases il estime ces élections ont été gagnées par Ouattara. Réponse, C’est tout de même l’ONU qui les a organisées, non ? En effet, si c’est l’ONU qui le dit… Et lui d’enchaîner, C’est une très bonne chose que des élections aient lieu. Quand l’ONU est là, c’est une garantie de sérieux. Oui… Je lui rappelle le Congo-Kinshasa et Patrice Emery Lumumba. Réponse, Ce n’était pas la CIA qui l’avait fait assassiner ? Je l’invite à aller chercher aussi du côté de l’ONU et du Royaume de Belgique, il serait un peu surpris et ne verrait pas forcément l’ONU avec le même regard qu’aujourd’hui…

L’homme me dit, Mais Gbagbo et Ouattara, ils étaient amis, non ? Je lui confirme qu’il y a quelques années encore, en effet, ils étaient regroupés au sein du Front républicain. Je lui retrace rapidement le parcours de Gbagbo et de Ouattara jusqu’au schisme récent. Il se dit subjugué et me dit, Pour un non-Ivoirien, vous connaissez bien la politique de ce pays. Je lui réponds que je suis Africain et que cela suffit largement. Il me dit que c’est non, que ce n’est pas possible. Il est persuadé que je suis spécialiste de sciences politiques. Non plus, lui-dis-je.

Je lui ai rappelé au passage une différence fondamentale entre les deux hommes, que beaucoup ne soulignent pas ou pas assez. Lors du débat de l’entre deux tours, l’homme du FMI avait clairement annoncé que des fondations comme celles de Bill Gates pouvaient très bien financer l’Éducation en Côte d’Ivoire. Je lui dis que pour moi, quand on aborde ce virage, c’est la porte ouverte à toutes les fenêtres. Qu’un privé décide d’investir dans ce domaine, Why not ? Mais que l’État choisisse un tel virage, cela signifie qu’il a démissionné et renoncé à ses fonctions régaliennes. À ma grande surprise, il se dit d’accord avec moi et me dit que lui qui vit en France depuis des années, se considère comme faisant partie du centre-gauche.

On termine par la politique américaine et un échange très enrichissant. Encore une fois, il se subjugué par ce que je lui dis sur la politique de son pays. Je lui dis que je suis curieux et que j’aime apprendre. Il pense que cela ne suffit pas et n’explique pas tout. Bon, il dit que Mitt Romney n’a aucune chance de gagner. Aucune, dit-il.

Au final, il avait tellement de choses à me raconter et de questions à poser que j’aurais pu écrire une nouvelle sur cette rencontre. Mais je suis très content que son regard ait un peu changé sur l’Afrique, la démocratie et l’ONU…

 

Obambé GAKOSSO, August 2012©