John Atta Mills, au revoir
J’espère qu’un jour nous aurons un bilan de son action à la tête de l’État ghanéen, même si cette présidence aura été trop courte à notre goût. Des Hommes de la trempe de John Atta Mills, notre continent a le plus grand besoin. Un fait a marqué les esprits lorsqu’il a accédé à la magistrature suprême de son pays. Je parlais de cela le 29 mars 2010 dernier, du fait qu’il avait publiquement dit à ses concitoyens qu’il ne voulait pas de cadeaux. On sait tous ce que les gens sont capables de se montrer généreux, de manière désintéressée comme de manière très intéressée. Ce qui, pour un homme public est non seulement gênant, mais en plus, peut prêter à confusion car ils sont nombreux, les affairistes, les « opérateurs économiques », les tout-ce-que-l’on-veut, prêt à donner tout et n’importe quoi, attendant ensuite un renvoi d’ascenseur qui peut être préjudiciable aux finances publiques de nos pays.
ENTRE 2008 et 2012, notre continent a perdu trois grands hommes qui ont marqué les esprits par des actes forts. Le président zambien, Levy Mwanawassa décédait suite à un AVC en août 2008. On retiendra surtout de cet homme qui aura dirigé son pays 6 ans (un mandat et demi) sa lutte implacable contre la corruption. Il n’avait même pas 60 ans. Le 06 avril 2012 dernier, c’est le président malawite, Bingu wa Mutharika, âgé de 78 ans, qui décédait suite à un arrêt cardiaque. Avec lui, les famines du Malawi ont cessé de faire la une des journaux, le pays devenant même un grenier régional avec une production agricole très importante.
LE Ghana étant devenu récemment un pays producteur de pétrole, le président Atta-Mills envoya des Ghanéens se former aux métiers des hydrocarbures en… Guinée-Equatoriale. Voilà un homme qui avait le sens pratique et qui avait compris qu’entre Africains, on pouvait coopérer sans gaspiller de l’argent hors de chez nous. Lors de la crise ivoirienne, on a bien vu qu’il n’a pas voulu que les soldats ghanéens de l’ONU prennent part aux bombardements du palais présidentiel ivoirien où se trouvaient Laurent Koudou Gbagbo et ses proches. Dans son esprit, il ne pouvait être question d’une telle infamie. D’ailleurs, les réfugiés ivoiriens qui sont au Ghana sont chez eux. Je n’ai pas entendu qu’un seul d’entre eux ait été extradé vers la Côte d’Ivoire, homme public ou simple citoyen. C’est aussi à cela que l’on reconnaît les grands hommes. Pour moi, c’était un digne fils d’Afrique.

Atta-Mills au centre, à gauche, Rawlings. Devant la statue de Nkrumah, au siège de l'UA, à Addis Abeba
CE juriste formé dans son pays (University of Ghana, Legon) et en Angleterre (London School of Economicsand Political Science) a donné des cours de droit dans la même université ghanéenne où il a été formé. Bénéficiant du Fulbright Program*, il passe un PhD à la Stanford Law School. Il sera en outre professeur associé à la Temple Law School etc. Le président John Atta-Mills n’a pas reçu le pouvoir en héritage. Il n’y est pas arrivé suite à un coup d’État. Il a été vice-président du très charismatique président Jerry John Rawlings de janvier 1997 à janvier 2001. Après que Rawlings se soit retiré du pouvoir, il se lance lui-même dans la course à la présidentielle. Il est battu par le libéral John Agyekum Kufuor à deux reprises et la troisième tentative sera la bonne. Celui qui se réclame des idées d’aide sociale du père de l’indépendance ghanéenne, Kwame Nkrumah a prononcé ces mots forts après sa victoire à la présidentielle, I want to thank the people of this country (…).
LE peuple. L’impression qui se dégage en regardant les parcours de ces trois hommes (Mwanawasa, Wa Mutharika, Atta-Mills) est que ce peuple dont ils se réclamaient était vraiment une préoccupation fondamentale pour eux. LA préoccupation fondamentale. Est-ce vraiment un hasard s’ils étaient natifs de trois anciennes possessions britanniques ? En attendant que les fins limiers de l’Occident nous trouvent (ce dont je doute fortement…) des biens immobiliers et mobiliers de ces hommes eu Royaume Uni, je dis, repose en paix, Mister President Atta-Mills.
Obambé GAKOSSO, July 2012©
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*: Le Fulbright Program est un système de bourses d’études du State Department (USA) et des gouvernements qui désirent y participer. Il date de 1946, à l’initiative du sénateur de l’Arkansas, James William Fulbright (1905-1995)