Mandela a 94 ans
DANS son autobiographie, Un long chemin vers la liberté*, Madiba Mandela appréhendait vraiment le sort que lui et ses compagnons risquaient de subir, à savoir, la peine capitale. Le régime d’apartheid en place alors était d’une férocité qui n’avait d’égalité que les régimes coloniaux que le continent avait subis des décennies durant, le nazisme d’Adolf Hitler etc.
MANDELA est né le 18 juillet 1918 dans le Transkei (Sud-est de l’Afrique du Sud). Son père le prénomme Rolihlahla* qui signifie en xhosa « Tirer la branche d’un arbre », et au sens figuré « Celui qui crée des problèmes ». Le long du parcours de cet homme, on peut vraiment dire qu’il en a causé, des problèmes. Fils d’un chef traditionnel qui a le droit de siéger dans la cour royale et d’ailleurs son père sera un conseiller royal apprécié. Issu d’une famille polygame, Rolihlahla est le fils de la troisième femme de son père et le quatrième enfant de cette fratrie de treize membres au total.
IL est encore bébé quand son pater est destitué par les colons anglais de son titre de chef traditionnel. La raison ? Il avait tenu tête à un magistrat anglais… En effet, suite à une plainte déposée par un villageois, le père de Mandela est convoqué par ce magistrat. Réponse cinglante du Kamit au colon anglais : Je ne viendrai pas, je suis prêt à me battre ! Pour lui, les choses sont claires : cet Anglais n’a pas à s’immiscer dans les affaires internes des villageois : voilà un homme qui avait compris, sans avoir besoin de lire quelque livre sur le panafricanisme, que les Africains se devaient de régler leurs affaires entre eux, sans la moindre ingérence extérieure…
BIEN entendu, je ne suis pas psychologue ni psychanalyste, mais on peut vraiment penser que Mandela avait le sens de l’honneur, de la fierté, de la justice, depuis fort longtemps, le tout, puisés dans ses racines familiales. D’ailleurs, quand, à neuf ans, l’enfant Rolihlalha perd son père, le roi le recueille et lui donne la même éducation que son fils Justice. Bien qu’il l’envoie à l’école coloniale, il le destine à devenir à son tour un jour conseiller à sa cour. D’ailleurs, Mandela a le droit d’assister à certains conseils royaux où, comme il le dit lui-même dans son autobiographie, tout le monde prend la parole, à tour de rôle et on tranche par la suite. Pas étonnant de voir alors cet homme qui, sortant de prison, va aux élections sans faire la guerre à ses anciens geôliers, et qui, après avoir remporté brillamment les élections, a organisé une transition extraordinaire pour passer le témoin à une nouvelle génération. Mandela pourrait être le père de Thabo Mbeki et d’ailleurs, le Vieux Govan, père de ce dernier, était son compagnon de route. Je ne me souviens pas avoir lu ou entendu qu’en 5 ans de pouvoir, Mandela ait donné la moindre preuve de tendance dictatoriale envers ses concitoyens. Il a joué sa partition et depuis 1999, il est passé à autre chose, profitant bon an mal de la longue vie que Dame Nature a bien voulu lui donner.
OUI, à 94 ans, je doute qu’il ait pensé lors du Procès de Rivonia, qu’il vivrait vieux. La potence était quasiment prête pour lui, Walter Sisulu, Ahmed Kathrada, Govan Mbeki et les autres. C’était la peine de mort et ils en étaient tous conscients. Quand la perpétuité est prononcée à l’issue de ce procès historique, c’est la joie, même s’il faut aller en prison pour l’éternité et y attendre la mort.
MANDELA a traversé ce siècle. Il a enterré sa progéniture et continue à goutter à retraite plus ou moins paisible : min’emnandi yokuzalwa***, Madiba !
Obambé GAKOSSO, July 2012©
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* : Fayard, janvier 1995, 30,88€. Le livre est disponible en format poche aussi.
** : Le prénom de Nelson ne lui sera donné qu’à l’école coloniale, comme pour nombre de parents et grands-parents.
*** : Joyeux anniversaire en xhosa, sa langue maternelle. Madiba est le nom de son clan.